IRP* : en arrière toute !

Avec cette loi, le gouvernement poursuit son œuvre de destruction méthodique d’un droit protecteur des travailleurs, après la loi de « sécurisation de l’emploi » (juin 2013) et la loi Macron.
Cette fois, le gouvernement s’en prend aux droits des salarié-es à se défendre, à s’exprimer collectivement, à s’informer, à intervenir dans les affaires de leur patron ou dans leurs conditions de travail : c’est tout le périmètre et les attributions des instances de représentation du personnel qui sont en effet passés à la moulinette.

Nouvelle Délégation Unique du Personnel (DUP) : les CHSCT optionnels

Le seuil de la DUP serait remonté de 200 à 300 salarié-es et la DUP, qui regroupe actuellement DP* et CE*, pourrait englober le CHSCT*. Dans les entreprises de moins de 300 salarié-es, les patrons pourront fusionner CE, DP et CHSCT dans une instance unique sur leur seule initiative. Dans celles de plus de 300 salarié-es, le regroupement de tout ou partie des trois instances est subordonné à la conclusion d’un accord collectif. La DUP sera dotée d’un-e secrétaire unique.
Le gouvernement satisfait la revendication du MEDEF de fusion des instances en donnant la possibilité d’élargir la DUP aux CHSCT, qui vont donc devenir optionnels. Ceci va rendre l’activité des élu-es plus difficile compte-tenu du cumul automatique des mandats et des responsabilités.

Moins d’élu-es, moins de salarié-es protégés, moins de temps de délégation

Un décret fixera le nombre d’élu-es de la nouvelle DUP et les temps de délégation, selon la taille de l’entreprise.
La DUP aujourd’hui, c’est déjà entre 35% et 50% d’élu-es en moins qu’avec des instances séparées, et 43% d’heures de délégation en moins ! Le gouvernement ne prévoit pas d’inverser la tendance. Moins d’élu-es, moins d’heures, c’est du temps en moins pour examiner les dossiers, informer les salarié-es, discuter avec eux, porter leurs réclamations et leurs revendications. C’est aussi moins de salarié-es protégé-es, dont le licenciement exige l’autorisation de l’inspecteur-trice du travail – et la possibilité pour les patron-nes de virer les ancien-nes élu-es à la fin de la période de protection.

Réunions : toujours moins mais toujours plus vite

La nouvelle DUP serait réunie une fois tous les deux mois, avec une réunion unique. 4 de ces 6 réunions annuelles seraient, pour tout ou partie, consacrées à la santé et à la sécurité. L’ordre du jour serait envoyé 5 jours à l’avance. Pour les questions relevant à la fois du CE et du CHSCT (par exemple une réorganisation) un avis unique serait recueilli et la DUP ne pourrait plus avoir recours qu’à une seule expertise.
Actuellement, la DUP est réunie une fois par mois. Les avis du CE et du CHSCT sont rendus séparément. Demain, toutes les questions seront traitées au cours de la même réunion. Ces réunions, ainsi que l’avis et l’expertise uniques, outre le gain de temps et d’argent, vont soumettre les questions santé et sécurité aux impératifs économiques, de même que les réclamations des délégué-es du personnel.
Plus encore, les conditions de travail ne seront plus discutées dans une instance propre. Le délai de convocation du CHSCT et d’information de l’inspecteur-trice du travail passe de 15 jours à 5 jours… avec moins d’heures de délégation, il sera impossible d’étudier sérieusement les dossiers !
La loi cherche également à limiter les consultations dans les entreprises multi-établissements. Le comité d’établissement et les CHSCT d’établissements ne seraient plus consultés sur les projets décidés au niveau de l’entreprise et communs à plusieurs établissements. Seuls le CCE et l’instance de coordination des CHSCT le seraient.
Cette disposition affaiblit les prérogatives des instances situées au plus près des salarié-es, au profit d’instances centrales, désignées et non élues.
A l’instar du CE sur certains projets, le CHSCT devrait rendre son avis en un temps limité fixé par décret à l’issue duquel, en l’absence d’avis, il serait réputé avoir été régulièrement consulté.
Il s’agit d’étendre au CHSCT l’avis sous contrainte. Aujourd’hui, le CHSCT peut refuser de rendre un avis s’il n’a pas tous les éléments, ce qui peut bloquer la procédure et laisser le temps d’informer les salarié-es ou d’agir en justice. Désormais, l’avis sera acquis au bout d’un certain délai, ce qui ne va pas pousser les employeurs à donner une information loyale.

Les consultations et négociations obligatoires rabotées

La loi prévoit de fusionner les 17 consultations actuelles du CE en 3 grands thèmes (orientations stratégiques, situation économique, politique sociale) et de regrouper les sujets des négociations annuelles obligatoires (rémunération et temps de travail, qualité de vie au travail, gestion des emplois). Un accord collectif pourra également prévoir des aménagements. Le CE ne sera plus consulté sur les accords collectifs.
La CGT ne défend pas la multiplication des réunions avec l’employeur et sait que les négociations ne débouchent pas toujours sur des changements favorables aux salarié-es, quand elles ne servent pas à remettre en cause les acquis. Cependant, le regroupement des négociations et consultations va noyer les représentant-es du personnel dans une masse d’information, ou à l’inverse, inciter les patrons à en donner encore moins.
Ces attaques tous azimuts contre l’action syndicale dans l’entreprise par la réduction des droits syndicaux et des prérogatives des représentant-es du personnel s’expliquent par le fait que le conflit de classe s’exprime dans ces instances. L’organisation syndicale, les délégué-es du personnel, le CE, le CHSCT constituent des outils pour les salarié-es afin de construire des revendications, les exprimer collectivement et mobiliser les travailleur-se dans l’action.
Ni négociable ni amendable, cette loi qui revient sur 80 ans de conquêtes sociales doit être retirée !

*IRP : Institutions Représentatives du Personnel –
*DP : Délégué-e du Personnel –
*CE : Comité d’Entreprise –
*CHSCT : Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail

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