Fiche DLAJ – Décret et ordonnances

DÉCRET ET ORDONNANCES CORONAVIRUS (2) : ACTIVITÉ PARTIELLE ET JURIDICTIONS

Vous avez été destinataires dans des communications
précédentes :

  • d’une note sur la loi d’urgence ;
  •  d’une note sur les trois premières ordonnances coronavirus relatives au temps de travail, à l’Assurance-chômage ainsi qu’aux indemnités journalières de Sécurité sociale et à l’intéressement/participation.

Voici une note sur :

  • le décret du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle
    ;
  • sur les ordonnances du 25 mars 2020 relatives à l’adaptation des règles de procédures civiles et de prescription ;
  • et sur l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif.

Le choix a été fait de détailler assez précisément ce que contiennent le décret activité partielle et l’ordonnance sur les procédures civiles, afin d’informer au mieux les conseillers prud’hommes, assesseurs des pôles sociaux et défenseurs syndicaux ainsi que les camarades confrontés à des questions sur l’activité partielle.

I. DÉCRET SUR L’ACTIVITÉ PARTIELLE MENTIONS OBLIGATOIRES QUE LE BULLETIN DE SALAIRE DOIT CONTENIR EN CAS D’ACTIVITÉ PARTIELLE

MENTIONS OBLIGATOIRES QUE LE BULLETIN DE SALAIRE DOIT CONTENIR EN CAS D’ACTIVITÉ PARTIELLE

En cas d’activité partielle, le bulletin de salaire doit désormais comprendre les mentions suivantes :

  • nombre d’heures indemnisées ;
  • taux appliqué pour le calcul de l’indemnité d’activité partielle reçue par le salarié ;
  • sommes versées au salarié au titre de la période considérée.

Auparavant, ces mentions pouvaient être indiquées sur un document séparé du bulletin de salaire. Il restera possible d’indiquer les mentions sur un document séparé pendant douze mois après l’entrée en vigueur du décret (soit jusqu’au 26 mars 2021).
Seuls les salariés d’entreprises en procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation continueront à recevoir ces informations sur un document séparé. Cela parait logique : dans ce cas de figure, l’agence de services et de paiement (ASP) verse directement l’allocation au salarié et lui adresse donc un document récapitulatif.
En temps normal, l’entreprise paye le salaire au salarié, puis adresse une demande de versement de l’allocation à l’ASP, qui va alors le rembourser en tout ou partie.

RÈGLES APPLICABLES À LA DEMANDE D’AUTORISATION D’ACTIVITÉ PARTIELLE

Le décret est applicable aux demandes d’activité partielle effectuées à compter de la date d’entrée en vigueur du décret (le 27 mars 2020), au titre du placement en position d’activité partielle de salariés depuis le 1er mars 2020.
Actuellement, la demande, adressée au préfet, doit impérativement avoir lieu avant de réduire l’activité. Il n’est possible de faire la demande a posteriori que lorsque la suspension de l’activité est due à un sinistre ou des intempéries. Dans ce cas, elle doit avoir lieu dans les trente jours qui suivent le passage en activité partielle.
Le décret ajoute un nouveau cas de figure : les circonstances de caractère exceptionnel, ce qui fait sans aucun doute référence à la propagation du virus Covid-19 et aux mesures de confinement qui ont de sérieuses conséquences sur le fonctionnement des entreprises.
Par ailleurs, jusqu’à présent, cette demande devait être accompagnée de l’avis du CE ou du CSE. Le décret ouvre la possibilité de transmettre l’avis a posteriori, dans un délai de deux mois à compter de la demande.
Enfin, jusqu’au 31 décembre 2020, le préfet devra répondre à la demande d’activité partielle dans un délai de deux jours (contre quinze actuellement) et l’absence de réponse à l’issue de ce délai vaudra acceptation.

ACTIVITÉ PARTIELLE : CÔTÉ EMPLOYEUR

Durée du passage en activité partielle
Une entreprise peut bénéficier du dispositif d’activité partielle pendant une durée limitée. La limite
actuelle était de six mois (renouvelables sous certaines conditions). Le décret porte cette durée à douze mois (renouvelables).

Durée du versement de l’allocation par l’ASP
L’allocation versée par l’ASP n’est pas illimitée. En temps normal, l’employeur ne peut prétendre recevoir une allocation d’activité partielle que pour 1 000 heures par salarié et par an.
Dans certains cas de figure, ce contingent d’heures peut être dépassé : en cas de modernisation des installations et des bâtiments de l’entreprise. Le décret élargit les cas dans lesquels le contingent peut être dépassé à toute transformation, restructuration ou modernisations de l’entreprise.

Calcul de l’allocation versée à l’employeur
Auparavant, le montant de l’allocation d’activité partielle n’était pas du même niveau, selon que l’entreprise avait plus ou moins de 250 salariés. Le montant de l’aide était de 7,74 € pour les entreprises de moins de 250 salariés et de 7,23 € pour les entreprises de plus de 250 salariés.
Désormais le montant de l’allocation sera la même quelle que soit l’effectif de l’entreprise.

Par ailleurs, l’allocation versée à l’employeur ne sera plus forfaitaire mais proportionnelle au salaire. Cependant, des limites sont fixées :

  • l’indemnité ne peut excéder 4,5 fois le taux horaire du Smic, 0soit 36,14 euros (une fois les cotisations salariales déduites) ;
  • l’indemnité ne peut être inférieure au taux horaire brut du Smic (8,03 euros, une fois déduites les cotisations salariales). En clair : les salariés au Smic verront leur salaire maintenu.

S’agissant des salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, l’employeur ne peut percevoir une allocation supérieure à leur rémunération. Dans ce cas, le montant de l’aide pourra être inférieur à 8,03 €.

Les employeurs situés à Mayotte
L’article précisant que l’allocation versée aux employeurs situés à Mayotte est moins élevée que celle versée en métropole est supprimé, ce qui laisse espérer que le dispositif d’activité partielle sera applicable à Mayotte dans les mêmes conditions qu’en métropole.

ACTIVITÉ PARTIELLE : CÔTÉ SALARIÉS

Ouverture du dispositif d’activité partielle aux salariés au forfait
Jusqu’à présent, un employeur ne pouvait pas prétendre au dispositif d’activité partielle dans deux cas de figure :

  • lorsque la réduction ou suspension de l’activité était liée à un différend collectif de travail (sauf en cas de grève, dans certains cas) ;
  • lorsque la réduction de l’horaire collectif de travail concernait des salariés en forfait heures ou jours (sauf cas rares).

Ce dernier cas est supprimé : les salariés au forfait pourront désormais bénéficier de l’activité partielle.
Pour calculer le salaire mensuel devant être versé au salarié, l’employeur doit décompter les heures travaillées (payées à 100 %) et les heures chômées (payées suivant les règles de calcul de l’activité partielle).
Le décret précise comment le décompte des heures s’effectuera pour les salariés en forfait jour ou heure. Dans ce cas, sont considérés comme chômés les jours de fermeture de l’établissement, ou les jours de réduction de l’horaire de travail pratiqué dans l’établissement, à due proportion de cette réduction.

Calcul de l’indemnité versée au salarié
Pour rappel, avant la publication du décret, les règles de calcul de la rémunération en cas d’activité partielle étaient les suivantes : le salarié placé en activité partielle reçoit une indemnité horaire, versée par son employeur, correspondant à 70 % de sa rémunération brute (soit environ 84 % du net) servant d’assiette pour le calcul de l’indemnité de congés payés, ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail applicable dans l’entreprise ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat de travail.
En clair, on prenait le salaire mensuel du salarié, on y ajoutait les primes retenues pour le calcul de l’indemnité de congés payés (celles directement en lien avec le versement du salaire, type majoration pour travail du dimanche). On ramenait ce salaire mensuel au taux horaire légal (ou inférieur), soit 35 heures. Ainsi, on obtenait le salaire horaire brut, sur lequel les 70 % étaient appliqués.
Le décret garde ces règles de calcul mais précise que le taux horaire ne peut être inférieur à 8,03 euros (le Smic brut), sauf pour les salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Autrement dit, les salariés au Smic verront leur salaire maintenu à 100 %.

Les salariés en formation
Le gouvernement a annoncé que les salariés en formation seraient désormais soumis au même régime que les autres salariés (à savoir, que leur rémunération serait de 70 % du brut horaire – ou 84 % du net).
Cependant, la disposition du Code du travail qui précise que l’indemnité horaire des salariés en formation est portée à 100 % de la rémunération nette antérieure du salarié est restée inchangée. On peut en déduire, qu’ils doivent toujours être indemnisés à 100 %.

II. ORDONNANCES RELATIVES À L’ADAPTATION DES RÈGLES DE PROCÉDURES CIVILES ET DE PRESCRIPTION

Les ordonnances adaptent les règles de procédure civile et de prescription compte tenu de la période de crise sanitaire actuelle. Elles concernent notamment les procédures applicables en matière sociale, devant le pôle social du tribunal judiciaire (TJ) ou devant les conseils de prud’hommes (CPH).
Le ministère de la Justice avait initialement suspendu toutes les audiences, sauf en matière d’urgence. L’ordonnance rétablit l’ensemble des audiences et les dérogations qu’elle prévoit s’appliquent à toutes les procédures.

Ces ordonnances organisent donc le maintien de l’activité judiciaire y compris pour les contentieux non urgents, en portant d’importantes atteintes aux garanties procédurales (absence des parties, juge unique, oralité des débats…). Il redevient possible de saisir les juridictions.
Pourtant, seules auraient dues être concernées les procédures urgentes, qui ne peuvent pas être reportées à la fin de la crise sanitaire. Les autres affaires devraient être jugées selon les règles classiques à l’issue de la période particulière que nous traversons, à la fois pour garantir les droits des justiciables, mais également pour ne pas mettre en danger sans raison urgente la santé du personnel travaillant dans les tribunaux, notamment les greffes.
Il aurait été plus judicieux de la part de ce gouvernement de reporter toutes les affaires non urgentes en s’engageant par la suite à revenir sur les réformes de restrictions des moyens alloués à la justice, et en renforçant tout au contraire ces moyens pour pouvoir rattraper l’augmentation des stocks d’affaires.
Ces ordonnances posent également la question de la pérennité de ces dérogations lorsque l’état d’urgence sera levé, alors que les dernières réformes de la justice vont déjà dans le sens d’une prétendue simplification, qui n’est en réalité qu’une diminution des droits des parties et des garanties procédurales indispensables pour assurer le droit à un procès équitable.

1. CHAMP ET DURÉE D’APPLICATION DES PROCÉDURES DÉROGATOIRES (ARTICLE 1)

Les dérogations prévues par l’ordonnance s’appliquent rétroactivement depuis le 12 mars dernier, et jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Elles continueront donc de s’appliquer bien au-delà de la période de confinement, ce qui est inadmissible compte tenu des atteintes au droit des justiciables qu’elle met en œuvre. En effet, l’état d’urgence a été déclaré le 25 mars pour une durée de deux mois, qui pourra être raccourcie mais aussi prolongée. Si l’état d’urgence sanitaire est effectivement maintenu pendant deux mois,
cela signifie que les procédures dérogatoires pourront s’appliquer jusqu’à la fin du mois de juin !
Ces dérogations s’appliquent à toutes les procédures, et pas seulement à celles urgentes. Toutes les procédures vont donc reprendre dans les juridictions.

2. PROROGATION DES DÉLAIS (ARTICLE 2)

Les délais arrivant à expiration pendant la période décrite dans le 1. (entre le 12 mars et jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire), sont prorogés dans certaines conditions. Cela ne concerne donc pas les délais qui ont expirés le 12 mars, qui ne peuvent pas être prorogés, ni ceux qui expireront un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Sauf certaines exceptions qui ne concernent pas les contentieux liés au travail, cela s’applique à tous les actes, recours, actions en justice, notification… qui sont réputés avoir été faits dans les temps s’ils sont effectués dans le délai qui leur était imparti pour agir à compter de la fin de la période d’urgence sanitaire, dans la limite de deux mois. Cela signifie qu’il faut considérer que le délai court à compter de la fin du mois suivant l’expiration de l’état d’urgence sanitaire, mais dans la limite de deux mois.

Exemples :

  • pour le contentieux des élections professionnelles ou des désignations, le tribunal judiciaire doit être saisi dans les quinze jours. Si ce délai de quinze jours expire pendant la période décrite ci-dessus, il faudra saisir le juge dans les quinze jours suivants la période ;
  • pour une contestation de licenciement, le salarié a deux ans à compter de son licenciement pour saisir le conseil de prud’hommes. Si ce délai de deux ans expire pendant la période décrite, le salarié devra saisir le CPH dans les deux mois suivant la période.

Cette mesure était nécessaire pour ne pas priver les justiciables de leur droit de saisir le juge. Cela va notamment permettre de déroger aux délais en matière d’appel, de pourvoi en cassation, mais surtout aux délais de péremption. Mais il n’est pas non plus interdit d’effectuer les actes de procédures visés.

3. EXCEPTION AUX RÈGLES DE COMPÉTENCES TERRITORIALES (ARTICLE 3)

Si une juridiction du premier degré (tribunal judiciaire, CPH) est dans l’incapacité de fonctionner, une autre juridiction de même nature et du ressort de la même cour d’appel est désignée pour gérer les contentieux de la juridiction empêchée.
Cela va permettre, au cas où le CPH et le pôle social ne peuvent fonctionner, de renvoyer les affaires devant un autre CPH ou un autre pôle social.
Cette dérogation ne vaut que pour les affaires déjà en cours à la date d’entrée en vigueur de la désignation de la nouvelle juridiction.

4. RENVOI DES AUDIENCES (ARTICLE 4)

La procédure de renvoi est assouplie quant à l’information des parties, mais la procédure de jugement par défaut (jugement sans que le défendeur se soit présenté à l’audience) est élargie.

Lorsqu’une audience est supprimée, les parties sont informées du renvoi :

  • par tout moyen, notamment électronique, si les parties avaient un avocat ;
  • par tout moyen, notamment par lettre simple, si les parties n’avaient pas d’avocat.

Mais si le défendeur ne comparaît pas à l’audience à laquelle l’affaire est renvoyée et n’a pas été cité à personne (par huissier), la décision est rendue par défaut.
Cet article va permettre aux conseillers prud’hommes de pouvoir renvoyer les affaires à une date ultérieure.

5. ÉLARGISSEMENT DES POSSIBILITÉS D’AUDIENCE À JUGE UNIQUE (ARTICLE 5)

Article 5 : « Si l’audience de plaidoirie, la clôture de l’instruction ou la décision de statuer selon la procédure sans audience a lieu pendant la période mentionnée au I. de l’article 1er, la juridiction peut, sur décision de son président, statuer à juge unique en première instance et en appel dans toutes les affaires qui lui sont soumises. »
Pour les audiences prévues pendant la période décrite dans le petit 1. (du 12 mars jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire), la juridiction peut statuer à juge unique, que ce soit en première instance ou en appel.
Le CPH juge quant à lui en formation restreinte (un conseiller employeur et un conseiller salarié).
Quant au départage ou aux pôles sociaux du TJ, il semble bien à la lecture du texte que les magistrats professionnels pourront juger seuls, sans conseillers ni assesseurs, ce qui est contraire à l’esprit paritaire de ces formations.
Nous sommes opposés aux audiences à juge unique ou aux formations restreintes car cela n’apporte pas les garanties procédurales suffisantes. Il faut également faire attention à ce que cette possibilité ne soit pas généralisée au-delà de l’urgence sanitaire.

6. SIMPLIFICATION DE LA COMMUNICATION ENTRE LES PARTIES ET LIMITATION DE LA PRÉSENCE DU PUBLIC AUX AUDIENCES

Les échanges des conclusions et des pièces peuvent se faire par tout moyen, à condition que le moyen choisi permette au juge de vérifier que le contradictoire a bien été respecté.
Les audiences pourront se tenir sans public s’il n’est pas possible de garantir la santé des personnes présentes à l’audience, ou avec une publicité restreinte.
Compte tenu de la situation sanitaire, c’est une bonne chose que les audiences puissent se tenir sans public pour limiter les risques de contagion ou de propagation de l’épidémie, mais cela devrait être limité aux affaires urgentes. Rien ne justifie de porter atteinte au principe de publicité de la justice pour les affaires qui pourraient très bien être renvoyées.

7. RECOURS AUX OUTILS INFORMATIQUES / DÉMATÉRIALISATION DES AUDIENCES

L’ordonnance rend possible la tenue d’audience en visioconférence. Si la visioconférence n’est pas possible, le juge peut décider d’entendre les parties et leur avocat par tout moyen de communication électronique, y compris par téléphone.
Comme pour le point précédent, la tenue des audiences en visioconférence limite les risques de contagion ou de propagation de l’épidémie actuelle, tout en permettant au justiciable que son affaire soit jugée. Une fois encore, cela n’aurait cependant dû concerner que les affaires urgentes. En revanche, les audiences par téléphone sont inacceptables, car elles ne permettent pas de garantir l’identité des parties.

8. PROCÉDURE SANS AUDIENCE

Lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées par un avocat, la juridiction peut statuer sans audience et la procédure sera écrite. Cela ne concerne donc pas les CPH ni les appels après le CPH, mais concerne certaines procédures devant le pôle social du tribunal judiciaire et les procédures d’appel qui en découlent.
Dans le cadre d’une procédure d’urgence (référé notamment), les parties ne pourront pas s’y opposer. Dans les autres cas, les parties ont quinze jours pour s’y opposer.
Cette procédure sans audience est très risquée car plus aucune garantie procédurale n’est assurée, les parties ne peuvent plus se défendre devant le juge. C’est également la porte ouverte à la fin de l’oralité des débats, et l’état d’urgence sanitaire ne peut être le prétexte pour rogner ce droit.

9. PROCÉDURE DE RÉFÉRÉ : REJET DES DEMANDES SANS AUDIENCE

En référé, le juge pourra rejeter la demande avant l’audience et donc sans aucun débat contradictoire, s’il estime que la demande est irrecevable ou qu’il n’y a pas lieu à référé.
C’est une atteinte grave au droit à un procès équitable car les parties ne pourront plus se défendre devant le juge, qui rejettera leurs
demandes sans les avoir entendus. Cela est d’autant plus grave qu’en référé devant le CPH la procédure est normalement orale. Pour un salarié qui n’est pas assisté d’un avocat et qui aurait des difficultés à l’écrit, cette mesure est très grave puisque sur la base du seul écrit qu’il aura envoyé au CPH, le juge pourra rejeter ses demandes.

10. NOTIFICATION DES DÉCISIONS

La notification des décisions se fait par tout moyen. Il faudra veiller qu’une notification par voie postale reste la règle après la crise sanitaire, pour ne pas que la notification par voie électronique se généralise, ce qui mettrait de côté beaucoup de justiciables qui n’ont pas les outils informatiques nécessaires.

III. ORDONNANCE JURIDICTIONS DE L’ORDRE ADMINISTRATIF

Les dérogations prévues par l’ordonnance s’appliquent rétroactivement depuis le 12 mars dernier, et jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Applicable à l’ensemble des juridictions de l’ordre administratif (tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et Conseil d’État) Enjeu du contentieux administratif : droit des étrangers, droit électoral, référé liberté en cas d’atteinte à une liberté fondamentale.
Le titre Ier est relatif à l’organisation et au fonctionnement des juridictions et les articles sont des dérogations aux règles législatives et réglementaires en vigueur.

Objectif clair : éviter les audiences, limiter au maximum les contacts entre personnels du greffe, magistrats et justiciables, simplification des moyens de télécommunication pour éviter les audiences physiques.
Point de vigilance sur le droit de la défense, notamment en matière de droit des étrangers : les conditions de rétention dans les centres de rétention administrative (CRA) des étrangers sont déjà en soi problématiques, par conséquent si les audiences ne se tiennent pas il y a encore moins de possibilité de se défendre avec un risque accru d’expulsion et de reconduite à la frontière.

Liste des dérogations :

  • en cas de vacance de poste de magistrat ou d’empêchement : l’ordonnance prévoit des dérogations afin que la juridiction puisse siéger avec d’autres magistrats de d’autres juridictions ou des magistrats ayant moins d’ancienneté ;
  • communication des pièces par tout moyen (alors que c’est très réglementé habituellement dans cette matière) ;
  • audience sans public ou public limité possible ;
  • audience par tout moyen de télécommunication (visioconférence et même possible d’entendre les parties par téléphone !) ;
  • avocat ou interprète peuvent ne pas être là physiquement, seulement par un moyen de télécommunication ;
  • rapporteur public dispensé de lire ses conclusions à l’audience ;
  • possibilité d’un référé sans audience : les parties en sont informés ;
  • possibilité d’une demande de sursis à exécution d’une décision de première instance d’un tribunal administratif sans audience ;
  • publicité de la décision par la mise à disposition de la décision au greffe et non prononcée en audience ;
  • signature de la décision seulement par le président et non le greffe et le rapporteur public ;
  • concernant les mesures d’éloignement (droit des étrangers), le jugement n’est plus prononcé à l’audience.

Le titre II de l’ordonnance comporte des dispositions particulières relatives aux délais de procédure et de jugement.
En ce qui concerne l’application à la justice administrative de l’ordonnance concernant la prorogation des délais, de manière générale, les délais sont interrompus durant la période de l’état d’urgence sanitaire et reprendront à la fin de celui-ci – au maximum deux mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Il existe cependant des dérogations en matière :

  • de droit des étrangers : le recours contre une obligation de quitter le territoire quand l’étranger n’est pas en centre de rétention ne peut débuter qu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, ce qui est plus favorable. Il n’y a par ailleurs pas de prorogation de délai :
    – lorsque l’étranger est placé en centre de rétention et qu’il conteste le refus d’entrée sur le territoire ou l’obligation de quitter le territoire,
    – lorsque l’étranger conteste des décisions concernant l’asile ;
    Ce qui plus favorable aussi pour les étrangers qui sont retenus en centre de rétention administrative ou en zone d’attente (aéroport) puisque leur cause sera donc entendue en urgence ;
  • de droit électoral : la contestation des opérations du 1er tour des élections municipales devra avoir lieu maximum cinq jours après la prise de fonctions des conseillers municipaux élus dès ce premier tour.

Les clôtures d’instruction sont prolongées jusqu’à un mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire, sauf prolongation par le juge.

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