Il aura fallu que la sphère médiatique s’empare du sujet avec l’affaire Weinstein, touchant des personnalités, pour que le gouvernement s’intéresse véritablement à la question des violences sexistes et sexuelles faites aux femmes. Pourtant les chiffres, souvent minorés, sont largement connus et devraient avoir fait réagir depuis longtemps. En France, dans le cadre personnel, 220 000 femmes sont victimes de violence conjugale ou intrafamiliale ; 83 000 de viol ou de tentatives de viol ; une femme meurt tous les 2,5 jours sous les coups de son conjoint. Au travail, les chiffres sont tout aussi effrayants : 20 % des femmes disent avoir subi du harcèlement sexuel, il y a 8 tentatives de viol ou viols par jour, 70 % des femmes violentées ne le disent pas à leur employeur, 30 % n’en parlent à personne, 5 % seulement portent plainte… et 40 % de celles qui ont parlé estiment que cela leur a été défavorable. Il est donc grand temps de lutter contre la banalisation des violences faites aux femmes ou de leur utilisation détournée. Ainsi, il est inadmissible que les politiques n’aient pas condamné unanimement la campagne menée par le maire de Béziers, Robert Ménard, qui pour illustrer la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales n’a rien trouvé de mieux que de produire une affiche représentant un homme étranglant une femme. Cette frivolité sur le sujet est intolérable !
Il s’agit non seulement de dénoncer haut et fort toutes les formes de violence sociale imposées aux femmes mais aussi d’y remédier. A ce titre-là, et même si la CGT est porteuse de cette question depuis longtemps, le fait que 30 % des victimes n’en parlent à personne montre que la CGT, et plus largement les organisations syndicales, n’est pas audible sur le sujet et que les salariées ne la voient pas comme un appui pour soutenir leur démarche pour faire condamner les agresseurs. Il faut donc que notre organisation soit aussi à l’offensive pour intégrer cette dimension dans sa défense du monde du travail.
Macron a dévoilé le 25 novembre, dans une vaste opération de communication dictée par l’actualité, son plan pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Si certaines annonces vont dans le bon sens (la prise en charge des frais médico-psychologiques des victimes, l’allongement des délais de prescription pour les violences commises sur des mineurs, etc.), ce plan n’est pas à la hauteur des enjeux, notamment faute de moyens humains et financiers et de mesures sur le travail. En effet, pour 2018 aucune enveloppe financière supplémentaire n’est prévue pour protéger les millions de femmes victimes de violence. Comment alors parler d’une grande cause nationale ?
Aucune disposition n’est prise pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles au travail. S’il a été évoqué le renforcement des missions de l’Inspection de Travail, comment y croire quand on sait les diminutions drastiques de postes qu’elle a connues ces dernières années ? Pire, quand on sait que dans le contexte actuel de baisse des droits sociaux, de hausse de la précarité et du chômage, la place des femmes au travail se dégrade toujours plus, parallèlement à celle de l’ensemble des salariés ? Les dernières lois Rebsamen-Macron-El Khomri et les ordonnances Macron qui baissent les droits des IRP et suppriment les CHSCT vont encore plus précariser les salariés, les rendant par là-même plus vulnérables face aux violences et aux discriminations. Plus largement, rien n’est annoncé pour faire appliquer de manière efficiente l’égalité femme-homme dans les entreprises alors qu’on sait que, malgré « l’arsenal législatif » défendu par M. Pénicaud, l’écart salarial est de ¼ en moins pour les femmes (dû au fait qu’elles sont majoritaires dans les temps partiels, dans les emplois les moins rémunérés, de la dévalorisation des emplois à dominance féminine et qu’il existe 12,5 % de discrimination pure – femmes moins payées car elles sont des femmes).
L’Organisation Internationale du Travail (OIT) met à son ordre du jour de juin 2018 l’adoption d’une norme sur les violences et le harcèlement au travail, avec la volonté de la CGT qui y siège qu’elle soit fondamentale et s’applique donc obligatoirement à l’ensemble des pays siégeant à l’OIT. Alors que le gouvernement Macron soutenait une position a minima, refusant notamment d’identifier spécifiquement dans la convention les violences fondées sur le genre, les interpellations, y compris médiatiques, des syndicats et des féministes l’ont fait changer de position. Il soutient désormais clairement l’adoption d’une convention contraignante contre les violences sexistes et sexuelles.
Parce que la lutte sur cette question ne peut se limiter à une opération de communication, la CGT porte les revendications suivantes auprès du gouvernement :
- La sanction des employeurs qui ne respectent pas leurs obligations de prévention et la création d’une obligation de négocier sur les violences sexistes et sexuelles.
- Le maintien des CHSCT et la création de référentes violences, harcèlement et discriminations.
- La mise en place d’une heure de sensibilisation obligatoire de tous les salariés, d’une formation de tous les managers, RH et professionnels en contact avec les victimes, le doublement des subventions aux associations et du nombre d’hébergements d’urgence.
- La protection des victimes contre le licenciement et les sanctions, la prise en charge de l’ensemble des frais de justice par l’employeur et la reconnaissance automatique de leur situation en accident du travail, la création d’un statut de la victime dans les procédures disciplinaires.
- L’extension des prérogatives et moyens de l’Inspection et des médecins du travail, avec les moyens supplémentaires nécessaires.