Afin de limiter les conséquences du virus COVID-19 sur l’activité, le gouvernement a notamment décidé d’élargir les conditions de recours au dispositif d’activité partielle. Pour joindre les actes aux paroles, le gouvernement a rédigé un décret, non-encore publié, qui adapte l’activité partielle à ces circonstances exceptionnelles. Les dispositions prévues dans ce décret s’appliqueraient aux demandes adressées à compter de sa date d’entrée en vigueur et au titre des heures chômées depuis le 1er mars 2020 (à l’exception d’une précision qui concerne les préfets compétents pour recevoir les demandes et qui entrerait en vigueur le 15 avril prochain).
C’est quoi l’activité partielle (ou chômage partiel ou chômage technique) ?
Lorsqu’une entreprise entre dans les conditions de l’activité partielle et que sa demande a été validée, elle s’engage à verser 84 % du salaire horaire net à ses salariés pendant leurs heures chômées (et 100 % du salaire sur les heures travaillées). En contrepartie, elle reçoit une aide permettant de financer tout ou partie de ce maintien de salaire. Cette aide est versée par l’Agence de Service et de Paiement (ASP) et financée par l’État et l’Unédic. Ce dispositif a pour objectif d’éviter les plans de licenciements massifs quand une entreprise connait des difficultés économiques conjoncturelles, c’est-à-dire des difficultés qui ne sont pas amenées à durer dans le temps. C’est le cas actuellement en raison de la propagation du virus COVID-19 et des mesures de confinement. Aux dernières nouvelles, le gouvernement a prévu de financer ce dispositif à hauteur de 5 milliards d’euros.
A quelles conditions une entreprise peut en bénéficier ?
La procédure de mise en œuvre de l’activité partielle est largement assouplie par le décret gouvernemental. L’entreprise doit en faire la demande auprès du préfet, soit préalablement au ralentissement, soit dans les 30 jours qui suivent la réduction de l’activité. Le décret prévoit que l’administration disposerait alors d’un délai de 2 jours pour répondre à la demande, contre 15 auparavant (et à défaut de réponse, cela vaut acceptation).
Le rôle du CSE est également diminué : pour déposer une demande, il fallait auparavant avoir obtenu son avis. Désormais, cet avis pourra être transmis au préfet dans les deux mois suivant le dépôt de la demande. Cela n’empêche pas les représentants du personnel d’insister pour être associés à la démarche, dans la mesure du possible. L’autorisation peut être accordée pour une durée de 12 mois, contre 6 actuellement.
Est-ce que tous les salariés seront couverts ?
Tous les salariés titulaires d’un contrat de travail sont susceptibles de bénéficier de l’activité partielle. Le décret ouvre le dispositif aux salariés en forfait heures ou jours, qui en étaient auparavant exclus. Tant que le salarié détient un contrat de travail, peu importe la forme de ce contrat (CDD, CDI, temps plein, temps partiel, intérim, saisonnier, etc). Les intermittents peuvent également en bénéficier, néanmoins, il faut que leur contrat de travail, ou à défaut la convention collective dont ils relèvent, définisse les périodes d’emploi et la répartition du travail à l’intérieur de ces périodes. Des mesures spécifiques pour les intermittents sont apparemment en réflexion. A noter : si ces travailleurs précaires peuvent potentiellement être éligibles à l’activité partielle, il est probable que l’employeur annule plutôt leur contrat (s’il n’avait pas déjà commencé) ou bien ne le renouvelle pas. Les seuls salariés ne pouvant en bénéficier sont les salariés en grève, ce qui peut s’expliquer par le fait que leur employeur ne leur verse pas de salaire.
Quel impact sur mon salaire ? Pas de nouveauté pour les salariés par rapport au dispositif antérieur : pour chaque heure chômée, la rémunération est fixée à 70 % du salaire brut horaire, soit environ 84 % du net. Le salaire n’est maintenu à 100 % que pour les heures travaillées ou celles pendant lesquelles les salariés sont placés en formation. Pour les salariés au forfait jour ou heure, on ne peut pas procéder à un décompte heure par heure. Par conséquent, on prend en compte les jours de fermeture de l’établissement et les jours de réduction de l’horaire de travail pratiqué par l’établissement.
Et mes primes ?
Dans le cadre de l’activité partielle, la rémunération à retenir est celle servant d’assiette au calcul de l’indemnité de congés payés. Les primes prises en compte sont celles qui ont le caractère de salaire ou d’accessoire au salaire, par exemple : prime de panier repas ou de transport, ancienneté, heures supplémentaire, astreinte, commission pour les commerciaux… Sont à exclure les primes n’ayant pas le caractère de salaire ou celles liées à un événement particulier, par exemple : primes exceptionnelles, 13ème mois, intéressement…
En clair, comment on calcule ? On prend la rémunération de base, on y ajoute les primes qui doivent être retenues (celles qui ont le caractère de salaire ou d’accessoire), ce qui donne le salaire mensuel. On le ramène ensuite à un taux horaire en tenant compte de la durée légale du travail (35h) ou la durée collective du travail quand elle est inférieure. C’est sur ce taux horaire que les 70 % bruts ou 84 % nets seront appliqués. Sur le bulletin de salaire (ou éventuellement sur un document annexe), les heures chômées ayant donné lieu à une activité partielle doivent être retranscrites, tout comme les taux appliqués et les sommes versées au titre de la période considérée. Conseil : tenez un décompte rigoureux de votre temps de travail, pour être en mesure de vérifier que votre salaire correspond bien à la réalité des heures travaillées. Le salarié n’a aucunes démarches à effectuer : il appartient à l’employeur de verser la rémunération au salarié à la date normale de paie. Il doit ensuite adresser une demande de remboursement à l’ASP (Agence de Service et de Paiement) pour pouvoir bénéficier de l’allocation d’activité partielle.
En quoi consiste l’allocation versée à l’employeur ?
L’allocation est versée par l’ASP. Son montant serait revu à la hausse par le décret : il serait de 8,03 euros par heure minimum et de 45,67 euros maximum (soit 4,5 x le Smic horaire), dans toutes les entreprises, quel que soit l’effectif. Auparavant, une distinction était effectuée en fonction de la taille des entreprises : les entreprises de moins de 250 salariés bénéficiaient d’une allocation majorée, ce qui ne sera plus le cas en application du décret. Pour les salariés dont la rémunération horaire est inférieure au Smic (les apprentis par exemple), l’allocation versée à l’entreprise ne pourrait être supérieure au salaire horaire du travailleur. Par ailleurs, seules les heures chômées ouvrent droit à l’allocation. Elles correspondent à la différence entre les heures travaillées durant la période et la durée légale du travail (ou lorsqu’elle est inférieure, à la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat). Lorsque l’horaire collectif de travail est supérieur à 35 heures (ce qui donne lieu à des heures supplémentaires ou complémentaires), ces heures doivent être payées au salarié, dans la limite de 84 % du salaire net horaire. En revanche, l’employeur ne pourra prétendre bénéficier de l’aide de L’État pour ces heures. L’employeur ne peut prétendre à cette aide que dans la limite de 1000 heures par an et par salarié, sauf « cas exceptionnels ».
Que se passe-t-il si mon entreprise était déjà tellement en difficulté qu’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation était ouverte ?
Les seuls cas où l’ASP verse directement l’allocation aux salariés sont les situations de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaire ou de difficultés financières de l’employeur, sur autorisation du préfet.
Cette procédure peut également être appliquée pour assurer l’indemnisation des travailleurs à domicile habituellement employés par plusieurs employeurs. C’est le cas par exemple des assistantes maternelles, qui ont plusieurs employeurs habituels (les parents de chacun des enfants dont elles s’occupent est considéré comme étant un employeur).
Et les salariés en télétravail ?
Il n’y a pas de précisions concernant les salariés en télétravail. Cela ne semble pas être incompatible avec l’activité partielle, même si cette situation peut rendre plus difficile le décompte des heures chômées et travaillées.
Puis-je reprendre un autre emploi pendant ce temps ?
Pendant la période d’activité partielle, le salarié est autorisé à reprendre une activité professionnelle.
Est-ce que cela donne des prérogatives particulières à mon employeur ?
En matière de congés payés
A plusieurs reprises, on nous a rapporté des cas dans lesquels les entreprises imposaient aux salariés de poser des jours de congés et de les écouler avant d’ouvrir le dispositif d’activité partielle. Votre employeur n’a pas le droit d’agir de la sorte. Il ne peut pas non plus imposer la prise de RTT ou de jours placés sur le compte épargne temps, sauf si l’accord collectif lui donne expressément cette prérogative. Le gouvernement indique que l’employeur pourrait modifier les dates des congés payés lorsque les salariés les ont déjà posés, en se fondant sur l’existence de circonstances exceptionnelles comme le prévoit le Code du travail. Cette solution est surprenante, et le syndicat de l’entreprise devra veiller à ce que le déplacement des congés payés soit utilisé en dernier recours, si aucune autre solution n’est possible. Il peut également décider de procéder à une fermeture annuelle de l’entreprise pendant la période de ralentissement de l’activité. Pour cela, il doit respecter les conditions suivantes : celles prévues par l’accord d’entreprise ou de branche, consulter le CSE et informer les salariés au moins deux mois avant le début de la période des congés. Le salarié placé en activité partielle continue à acquérir des jours de congé.
ATTENTION : le projet de loi qui va être débattu cette semaine prévoit de nombreux aménagements en matière de droit du travail, qui seront précisés par ordonnance. On sait dès à présent que le gouvernement envisage de prendre des mesures permettant aux employeurs d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de congés payés, des jours RTT ou de jours affectés sur le compte épargne temps, avec un délai de prévenance très réduit.
Nous ne savons pas pour l’instant quelles formes prendront précisément ces mesures, mais nous tenions dès à présent à vous alerter sur ces dispositions envisagées. Nous vous tiendrons informés dès que possible.
Mon employeur peut-il m’imposer de continuer à travailler ?
Oui bien sûr, seules les heures chômées permettent de bénéficier des aides liées à l’activité partielle. Il faut être vigilant au décompte des heures : votre entreprise ne doit pas prendre l’activité partielle comme une aide de l’État sans contrepartie et vous faire travailler dans le même temps. Exemple, dans une entreprise de consulting, il a été demandé aux salariés en forfait-jour de continuer à facturer les heures travaillées aux clients, alors même que l’entreprise prétend au dispositif d’activité partielle.
Et mes mandats ?
Les heures de délégation dépendent du mandat et non du temps de travail donc l’activité partielle n’a pas d’impact.
Quel impact sur le chômage ?
La période d’activité partielle s’analyse juridiquement en une période de suspension du contrat de travail et non comme une rupture du contrat de travail. En l’absence de rupture du contrat, il n’est donc pas possible de prétendre à une indemnisation chômage (allocation de retour à l’emploi).
Si par la suite, le salarié connait une rupture de son contrat de travail, l’activité partielle sera prise en compte de la façon suivante :
- Pour le seuil d’ouverture des droits, qui correspond à 6 mois de travail sur 24 mois, la période d’activité partielle est prise en compte
- Pour la détermination du salaire de référence (qui permet de calculer l’allocation chômage), le demandeur d’emploi peut demander à ce que la période soit exclue, notamment parce que son salaire était moins élevé, avec pour conséquence de faire baisser le montant de son allocation.