Fiche DLAJ_MAJ30/03/2020 – Loi d’urgence

LOI D’URGENCE POUR FAIRE FACE À L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19

La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a été adoptée par le Parlement dimanche 22 mars 2020.
Cette loi prévoit entre autre la création d’un état d’urgence sanitaire,et des modifications du Code du travail et du Code de la Sécurité sociale, renvoyées à des ordonnances ultérieures.
Elle prévoit également un ensemble d’autres mesures concernant les élections municipales,le logement,les allocations familiales, les procédures en justice…


CALENDRIER D’ENTRÉE EN VIGUEUR DES MESURES

Les principales dispositions légales sont entrées en vigueur dès la publication de la loi, c’est-à-dire le mercredi 25 mars 2020 (sous réserves pour certains articles qui devront être faites par décret).
C’est le cas notamment des dispositions relatives à l’état d’urgence sanitaire, qui a été déclaré à compter du 25 mars pour une durée de deux mois. Des décrets sont déjà pris sur le fondement des nouvelles dispositions du Code de la santé publique
sur l’urgence sanitaire, notamment le nouveau décret du 24 mars 2020 précisant les possibilités de déplacements dérogatoires.

Pour la suppression du jour de carence pour les arrêts maladie, cette mesure s’applique à tous les arrêts débutant à compter de la publication de la loi, donc le 24 mars 2020.
S’agissant des mesures relatives au droit du travail et au droit, au droit de la Sécurité sociale et de la Fonction publique, des ordonnances doivent être prises dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi, ce qui est long compte tenu de l’urgence. Les ordonnances sont entrées en vigueur dès leur publication, le mercredi 25 mars, mais doivent quand même être ratifiées par le Parlement pour avoir une valeur légale. La ratification doit intervenir dans un délai maximal de deux mois suivant la publication de chaque ordonnance.
Ces ordonnances pourront entrer en vigueur rétroactivement au 12 mars 2020 et donc valider a posteriori certaines situations, mais on ne sait pas encore quelles mesures seront concernées par cette rétroactivité. Cette dernière nous arrange pour certaines dispositions (indemnités journalières de Sécurité sociale rémunérées à 90 % du brut pour tous à compter du 12 mars), mais cela signifierait aussi que la possibilité pour l’employeur d’imposer des jours de RTT, de compte épargne temps et de jours de repos des forfaits jours avant que cette loi ne soit votée deviendrait subitement légale alors que c’était illégal.

La loi prévoit également que ces ordonnances sont dispensées de toute consultation préalable, notamment celle des organisations syndicales.

I. L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE

Articles 2 et suivants, entrée en vigueur immédiate.

1. QU’EST-CE QUE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE ?

La loi d’urgence pour faire face à la crise du Covid19 crée de toute pièce un régime juridique d’état d’urgence sanitaire. Cet état d’urgence sanitaire n’a jamais existé auparavant. Il existe une loi de 1955 sur l’état d’urgence, mais elle n’est pas particulièrement prévue pour les cas de crise sanitaire. Elle était plutôt utilisée pour des évènements portant atteinte à la sécurité publique (attentats, guerre d’Algérie, émeutes urbaines…).
L’état d’urgence sanitaire peut être déclaré en cas de « catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ». C’est un terme très vague qui peut recouper bien des évènements, et qui ne comprend aucune notion géographique ou d’ampleur (la catastrophe doit-elle menacer toute la FRance ? par exemple).
Déclarer l’état d’urgence permet de prendre des mesures particulièrement restrictives des libertés individuelles et publiques sans passer par les procédures habituelles, notamment le Parlement.
Il faut distinguer deux choses : la création du régime juridique de l’état d’urgence sanitaire et la mise en place concrète de l’état d’urgence aujourd’hui pour le Covid-19.

2. QUELLES MESURES PERMETTENT DE PRENDRE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE ?

La loi d’urgence crée de nouveaux articles insérés dans le Code de la santé publique. Ces articles prévoient que dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire il est possible de :

  • restreindre ou interdire la circulation des personnes et véhicules ;
  • interdire aux personnes de sortir de leur domicile sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux et de santé ;
  • ordonner des mesures de mise en quarantaine des personnes affectées par le virus ;
  • ordonner des maintiens à l’isolement ;
  • ordonner la fermeture provisoire d’établissements recevant du public, sauf les établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ;
  • restreindre les rassemblements sur la voie publique ainsi que tout type de réunions ;
  • réquisitionner des biens et services « nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire » ;
  • réquisitionner des personnes nécessaires au fonctionnement de ces services et à l’usage de ces biens. On ne sait pas bien ici s’il s’agit juste des personnels de santé et de police ou tout type de personnels liés aux besoins essentiels des populations (distribution alimentaire par exemple) ;
  • instaurer des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits nécessaires ;
  • instaurer des mesures nécessaires à la mise à disposition des médicaments aux patients ;
  •  instaurer toute autre mesure limitant la liberté d’entreprendre.

3. PRÉROGATIVES RENFORCÉES DE L’EXÉCUTIF, RÔLE MINEUR DU PARLEMENT

a. Déclaration de l’état d’urgence

La loi d’urgence prévoit que l’état d’urgence soit déclaré par décret pris en Conseil des ministres. Le rôle du Parlement est réduit à la portion congrue. Celui-ci est simplement informé de la déclaration de l’état d’urgence et des mesures prises, et peut simplement requérir des informations complémentaires.

Un comité scientifique est constitué et ses avis sont rendus publics.
L’état d’urgence peut être déclaré par décret pour un mois. À l’issue de ce mois, le Parlement retrouve son rôle et seule une loi peut décider de prolonger l’état d’urgence.
Cependant, dans le cas présent du Covid-19, la loi d’urgence prévoit qu’exceptionnellement l’état d’urgence est déclaré pour deux mois.
Au bout de ces deux mois, seule une loi pourra le prolonger. Le gouvernement a donc tout pouvoir pour restreindre les libertés pendant deux mois entiers. Cela ne signifie pas que nous serons forcément confinés pendant deux mois, mais cela signifie que le gouvernement a des pouvoirs étendus pendant deux mois, sans contrôle du Parlement.
Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État n’interviennent à aucun moment, tous les contre-pouvoirs au gouvernement sont donc écartés pendant l’état d’urgence.

b. Mise en œuvre des mesures

Pendant la période d’état d’urgence, l’ensemble des mesures listées dans la partie 2. de cette note sont prises par le Premier ministre. Une partie des mesures réglementaires et individuelles qui en découlent sont prises par le ministre de la Santé.
Mais il est également possible sur habilitation du Premier ministre ou du ministre de la santé de déléguer la prise de ces mesures aux préfets de département. Les préfets pourraient donc prendre seuls des mesures particulièrement attentatoires aux libertés !
Le Parlement n’a aucun rôle en la période.
De plus, le ministre de la Santé peut, après la fin de l’état d’urgence sanitaire, prendre toute mesure pour assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire, sans que ces mesures ne soient précisées.
On imagine tout de même qu’elles ne pourront être prises que dans son champ de compétence, à savoir la santé.

4. LES SANCTIONS

Le fait de ne pas respecter les réquisitions est puni de six mois de prison et 1 0 000 euros d’amende. Voilà qui permet d’empêcher toute rébellion, y compris si les réquisitions se font dans un cadre qui ne respecte pas la protection de la santé des personnels !
Ces sanctions existaient déjà mais étaient limitées aux personnels de santé. Il semble ici qu’elles peuvent concerner toute réquisition pour « lutter contre la catastrophe sanitaire » – or on ne sait pas si cette expression recouvre uniquement le domaine de la santé et de la police ou tout type de réquisitions.
Le fait de ne pas respecter toutes autres obligations (confinement, interdiction de circulation, etc.) est passible d’une contravention de 4e classe, soit 135 euros. En cas de récidive dans les quinze jours suivants, la contravention reçue sera de 5e classe, soit 1 500 euros.
Ce régime juridique a vocation à subsister jusqu’au 1er avril 2021. Cela signifie que jusqu’en avril 2021, le gouvernement pourra à tout moment déclarer l’état d’urgence sanitaire. Il faudra veiller à ce que le Parlement n’entérine pas pour toujours ce régime juridique car cela signifierait que nous pouvons à tout moment passer en état d’urgence sanitaire, par simple décret, dès lors qu’a lieu « une catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population », terme qui paraît très vague (article 7).
L’état d’urgence sanitaire sera adapté dans les territoires d’Outre-mer par une ordonnance spéciale (article 3).

5. ENTRÉE EN VIGUEUR

Les dispositions sur l’état d’urgence sanitaire sont déjà en vigueur, et l’état d’urgence sanitaire est déclaré à compter du 25 mars pour une durée de deux mois. Des décrets sont déjà pris sur le fondement des nouvelles dispositions du Code de la santé publique sur l’urgence sanitaire, notamment le nouveau décret du 24 mars 2020 précisant les possibilités de déplacements dérogatoires. Des ordonnances doivent également être prises dans un délai de deux mois pour adapter ses dispositions à la Nouvelle-Calédonie.

II. MESURES CONCERNANT PLUS SPÉCIFIQUEMENT LES TRAVAILLEURS ET LES ENTREPRISES

Les dispositions relatives aux travailleurs et aux entreprises figurent dans deux articles :

  • L’article 11 autorise le gouvernement à prendre dans un délai de trois mois (ce qui parait bien long vu l’urgence) des ordonnances qui pourront, si nécessaire, entrer en vigueur le 12 mars, afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de l’épidémie de Covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d’activité ainsi que ses incidences sur l’emploi.
    La possibilité de faire entrer en vigueur les mesures dès le 12 mars signifie que les ordonnances pourront être rétroactives, et valider a posteriori certaines actions. Cette rétroactivité nous arrange sur les indemnités journalières de sécurité sociale qui pourront être rémunérées à hauteur de 90 % du brut dès le 12 mars pour tous, mais cela signifierait également que la possibilité pour l’employeur d’imposer des jours de RTT, de compte épargne temps et de jours de repos des forfaits jours avant que cette loi ne soit votée deviendrait subitement légale alors que c’était illégal.
    Lors des débats parlementaires, plusieurs amendements ont proposé d’inscrire dans la loi la limitation dans le temps de la validité de ces mesures, pour qu’elles ne puissent pas être utilisées au-delà de la période d’épidémie. La ministre du Travail a refusé tous ces amendements en prétendant qu’une telle précision n’était pas nécessaire dans la mesure où ces dispositions seraient par nature limitées à la période de crise sanitaire. Il faudra donc être vigilant sur le risque de pérennité de ces mesures faisant reculer les droits des salariés, d’autant plus que le mot « provisoire » qui figurait dans le projet de loi initial, a été supprimé sur projet de loi adoptée.
  • L’article 8 relatif à l’indemnité complémentaire de sécurité sociale entre en vigueur dès la publication de la loi, c’est à dire le 24 mars 2020.

Voici les principales mesures

1. SOUTIEN FINANCIER AUX ENTREPRISES ET ASSOCIATIONS (article 11, I, 1, a)

Les entreprises et associations dont « la viabilité est mise en cause » (aucun critère n’étant défini) pourront être aidées, notamment par un soutien à leur trésorerie et un fonds de soutien, financé par les régions et toute autre collectivité territoriale ou établissement public volontaire (les entreprises ne sont pas visées comme cocontributrices alors que c’est ce que nous avait annoncé Muriel Pénicaud).

2. DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

  • Adaptation du dispositif d’activité partiel (article 11, I, 1, b), pour faciliter et favoriser son recours. Par rapport au projet initial, il est rajouté la possibilité d’adapter de manière temporaire le régime social applicable aux indemnités versées dans ce cadre (sans que cela soit précisé, on imagine que ça prendra la forme d’exonération de cotisations).
  • L’indemnité complémentaire journalière de la sécurité sociale prévoit des IJSS à 90 % du salaire brut, mais uniquement pour les travailleurs qui ont plus d’un an d’ancienneté (article 11, I, 1, b). Les ordonnances vont certainement supprimer cette condition d’ancienneté. On ne sait en revanche toujours pas si les salariés qui n’ont jamais droit à ces 90 % vont pouvoir en bénéficier : intérimaires, saisonniers, travailleurs à domicile et intermittents. La loi ne précise pas quelles seront les adaptations.
  • Congés payés (article 11, I, 1, b) : si un accord d’entreprise ou de branche l’autorise (sachant qu’en cas de conflit l’accord d’entreprise primerait sur l’accord de branche), l’employeur pourra imposer ou modifier les dates d’une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrables, en dérogeant aux délais de prévenance et modalité de prise des congés. Le projet initial n’imposait pas la signature d’un accord, et ne limitait pas les congés payés qui pouvaient être imposés à six jours. Le texte est donc plus protecteur en l’état même si c’est toujours un recul des droits des salariés ; Comme l’ensemble des mesures prévues à l’article 11, celle concernant les congés payés n’est pas limitée dans le temps. Si d’autres organisations syndicales se lançaient dans la signature de tels accords, qui constituent un recul des droits des salariés, les camarades devront peser a minima sur le fait que ces accords soient expressément limités dans le temps, à la période liée à la crise sanitaire.
  • jours de repos imposés (article 11, I, 1, b) : possibilité pour l’employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de certains types de jours de repos dont bénéficient les salariés (RTT, des jours de repos prévus dans la convention de forfait, jours de repos affectés sur le compte épargne temps (CET)). Aujourd’hui si l’accord ou la convention collective ne le prévoit pas expressément, les employeurs n’ont pas le droit d’imposer unilatéralement la date des RTT, jours de CET et de repos forfait jours, et doivent respecter les éventuels délais de prévenance prévus par l’accord. Suite aux ordonnances, l’employeur n’aura pas à respecter de délai de prévenance. Le projet initial ne concernait que les RTT et les jours affectés sur le CET. Les jours de repos des salariés en forfait ont été rajoutés.
    À noter que l’article de loi vise également la Fonction publique !
  • Dérogation aux règles relatives à la durée du travail et aux repos (article 11, I, 1, b) : dans les secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale, l’employeur pourra déroger aux règles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical.
    Mesures particulièrement dangereuses… Pas de précision sur la liste de ces secteurs.
    Le droit du travail prévoit déjà de nombreuses dérogations. On peut donc sérieusement s’interroger sur l’intention réelle du gouvernement. Les dérogations prises par ordonnances n’auront qu’une seule limite, les règles de droit de l’Union européenne sur les durées maximales de travail et minimales de repos. Cependant, elles ne sont pas particulièrement protectrices
    en la matière et ne constituent donc pas un filet de protection efficace. Elles prévoient que la durée moyenne du travail sur sept jours ne doit pas dépasser 48 heures. Sur le droit au repos, elles prévoient que les États doivent garantir une période de repos de 35 heures sur la semaine. Malheureusement, la directive prévoit également beaucoup de dérogations qui permettent soit d’assouplir l’application de ces règles, soit de les écarter totalement pour certaines catégories de travailleurs ou dans certains secteurs spécifiques (par exemple pour les activités caractérisées par la nécessité d’assurer la continuité du service ou de la production, comme c’est le cas dans les hôpitaux ou les entreprises de production et de distribution de gaz, d’eau ou d’électricité…). Le droit européen prévoit également des dérogations possibles à la durée maximale hebdomadaire de travail, « avec l’accord du salarié », et l’on sait à quel point « l’accord du salarié » peut être facile à obtenir sous la menace de licenciement.
  • Intéressement et participation (article 11, I, 1, b) : les ordonnances pourront modifier les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation. Cela peut retarder le versement de ces sommes pour les salariés.
  • Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, dite prime Macron (article 11, I, 1, b) : la loi prévoit de modifier la date limite et les conditions de versement de cette prime. La condition de mise en place d’un accord d’intéressement pourrait être supprimée et la date butoir du 30 juin 2020 (qui est prévue par la loi 2019-1446 du 24 décembre 2019) pourrait être repoussée.
    Ce mode de rémunération présente des effets néfastes. Les sommes versées étant partiellement exonérée de cotisations sociales, ce dispositif nuit au financement de la protection sociale. Néanmoins, dans la mesure où ce dispositif permet de verser des primes aux salariés à moindre coût, il est fortement incitatif pour les employeurs.
  • Élections TPE (article 11, I, 1, b) : La loi prévoit d’adapter l’organisation du scrutin permettant de mesurer l’audience dans les TPE. Les dates du scrutin prévu du 23 novembre au 6 décembre 2020 seront probablement repoussées. La définition du corps électoral pourra être modifiée si nécessaire pour tenir compte des nouvelles dates, on ne sait pas ce qu’ils entendent par là.
    Comme la désignation des conseillers prud’hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) s’appuie sur l’audience syndicale et patronale, la durée de leurs mandats pourra être prorogée en conséquence.
  • Médecine du travail (article 11, I, 1, b) : la loi prévoit d’aménager les modalités de l’exercice de leurs missions par les services de santé au travail de leurs missions. Il s’agit notamment du suivi de l’état de santé des travailleurs. Il s’agit également des règles selon lesquelles le suivi de l’état de santé est assuré pour les travailleurs qui n’ont pu, en raison de l’épidémie, bénéficier du suivi prévu par le même code. Cette mesure appelle la plus grande vigilance quant au risque de pérennisation d’un allégement des obligations de suivi de l’état de santé des travailleurs.
    Signalons que l’instruction DGT du 17 mars 2020 relative au fonctionnement des services de santé au travail pendant l’épidémie de Covid-19 a déjà prévu la possibilité pour le médecin du travail de reporter toutes les visites médicales, sauf lorsqu’elles sont indispensables. Pour les salariés dont les activités sont essentielles à la continuité de la vie de la Nation, les visites médicales sont maintenues (visites d’embauche, d’aptitude, de reprise) à l’exception des visites périodiques. Toutes les visites peuvent être effectuées en téléconsultation en accord avec le salarié. Ici encore on ne sait pas quelles activités seront considérées comme essentielles à la continuité de la vie de la Nation.
  • Institutions représentatives du personnel (article 11, I, 1, b) : La loi prévoit de modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du CSE, pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis. Il serait envisagé de systématiser le recours à la visioconférence pour la consultation du CSE, au-delà de la limitation à 3 réunions par an qui existe aujourd’hui. Il est certainement utile d’adapter les modalités d’information et consultation des représentants du personnel afin de leur permettre d’exercer effectivement leurs attributions pendant cette crise sanitaire. Il faut néanmoins rester vigilant à ce que ces modalités permettent effectivement d’assurer un contrôle sur les décisions patronales.
    La loi prévoit également la suspension des processus électoraux des comités sociaux et économiques en cours (article 11, I, 1, b). Il semble que ce serait une faculté laissée à l’employeur. Vu les difficultés auxquelles sont confrontées les salariés et les syndicats, il vaut certainement mieux reporter les élections. Cependant, on espère que la prorogation des mandats des anciens élus sera bien prévue, mais surtout cela pose un problème pour les entreprises qui n’ont pas encore d’élus (franchissement des seuils) et qui constituent sûrement une grande partie des cas puisque dans beaucoup d’entreprises les mandats viennent de commencer ou sont récents (en raison de l’instauration du CSE qui devait être mis en place au plus tard dans toutes les entreprises au 31 décembre 2019).
    En visant « notamment les CSE » il se peut que la loi vise également la représentation du personnel dans le secteur public.
  • Formation professionnelle (article 11, I, 1, b) : la loi prévoit d’aménager les dispositions de la sixième partie du Code du travail, notamment afin de permettre aux employeurs, aux organismes de formation et aux opérateurs de satisfaire aux obligations légales en matière de qualité et d’enregistrement des certifications et habilitations ainsi que d’adapter les conditions de rémunérations et de versement des cotisations sociales des stagiaires de la formation professionnelle.
    • Assurances chômages (article 11, I, 1, b) : La loi prévoit d’adapter, à titre exceptionnel, les modalités de détermination des durées d’attribution des revenus de remplacement des chômeurs. Le gouvernement envisage de prolonger les droits des demandeurs d’emploi arrivant au bout de leur indemnisation au cours de la période de confinement.
  • Suppression des jours de carence (article 8, entrée en vigueur immédiate) : suppression des jours de carence pour tous les arrêts maladie débutant à compter de la date de publication de la loi, et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Et ce, pour tous les assurés sociaux des régimes obligatoires de sécurité sociale, ainsi que pour les travailleurs relevant de l’article R. 711-1 du Code de la Sécurité sociale, à savoir : les administrations, services, offices, établissements publics de l’État, les établissements industriels de l’État et l’Imprimerie Nationale, pour les fonctionnaires, les magistrats et les ouvriers de l’État ; les régions, les départements et communes ; les établissements publics départementaux et communaux n’ayant pas le caractère industriel ou commercial ; les marins; les entreprises minières et les entreprises assimilées ; la SNCF ; les chemins de fer d’intérêt général secondaire et d’intérêt local et les tramways ; les exploitations de production, de transport et de distribution d’énergie électrique et de gaz ; la Banque de France ; le théâtre national de l’Opéra de Paris et la Comédie française. Et enfin pour les militaires de carrière et ceux servant en vertu d’un contrat.

Il semblerait que cela soit valable quel que soit l’arrêt maladie (pour cause de Covid-19, pour arrêt non causé par le Covid-19, pour garde d’enfants…).

3. DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉS (article 11, I, 1, c)

Les règles relatives au redressement et à la liquidation judiciaires pourront être modifiées pour prendre en compte les conséquences de la crise.
Attention, il faut avoir à l’esprit ici que les tribunaux de commerce (à l’instar de tous les tribunaux) sont fermés sauf urgence ; il faudrait donc envisager une intervention rapide des AGS quand les employeurs cessent subitement de verser les salaires pour cessation de paiement.

4. LOCAUX PROFESSIONNELS, FACTURES TPE (article 11, I, 1, g)

Le paiement des loyers et les factures de fluide et d’énergie afférents aux locaux professionnels peut
être reporté intégralement ou étalé dans le temps. Les TPE pourront être dispensées des pénalités liées au non-paiement de ces factures.

III. AUTRES MESURES (ARTICLE 11)

Des ordonnances prévues par l’article 11 seront également prises en ce qui concerne :

  • Logement et électricité (article 11, I, 1, e) : la période d’interdiction de coupure d’EDF, de gaz et d’eau est prolongée. La date de fin de la trêve hivernale, pendant laquelle les expulsions de logement sont interdites, est reportée.
  • Procédures administratives et judiciaires (article 11, I, 2, a, b et c) : les règles de procédure administrative (délais et procédure pour le dépôt, traitement des demandes, délais de consultation, délais de prise de décision etc.) devront être adaptées.

Les délais de prescription judiciaires doivent bien sûr également être adaptés, interrompus ou suspendus. Pour rappel la prescription est le délai à partir duquel il n’est plus possible de saisir le juge pour régler un litige.
La compétence territoriale des juridictions et les délais de procédure et de jugement peuvent être modifiés. Les audiences pourront être tenues en visio-conférence. Les règles relatives aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire sont aussi visées. Il faudra être très vigilants au respect du principe du contradictoire, tout en le mettant en balance avec la protection des personnels des services de justice.

  • Mesures judiciaires privatives de liberté (article 11, I, 2, d et e) : pour la garde à vue, la détention provisoire et l’assignation à résidence avec bracelet électronique : le recours à un avocat à distance sera rendu possible. Les mesures permettant que les personnes ne soient pas présentées devant le procureur pourront être prolongées ; cela semble particulièrement attentatoire au respect de la liberté individuelle dont est censé être garant le procureur. Les délais pour être jugé pourront être allongés, dans un maximum de trois mois pour les délais et de six mois pour les crimes.
    Pour l’exécution des peines privatives de liberté : les règles en matière d’affectation des détenus dans les établissements seront modifiées. Concrètement, les détenus vont attendre encore très longtemps d’être transférés dans des établissements type centrale ou centre de détention où pourtant les conditions de vie sont bien meilleures, sans surpopulation contrairement aux maisons d’arrêt.
    Les dispositions prises ne sont pas forcément favorables aux personnes détenues alors qu’elles sont particulièrement exposées à la vulnérabilité et donc au virus !
  • Prorogation des mandats des membres des CA des caisses de mutualité sociale agricole, au maximum jusqu’au 31 décembre 2020 (article 11, I, 2, k).
  • Accélération de la recherche médicale relative au Covid-19 (article 11, I, 1, b).
  • Parents qui doivent continuer de travailler (article 11, I, 1, b) : pour permettre aux parents qui continuent de travailler de faire garder leurs enfants alors que les crèches sont fermées, le nombre d’enfants dont peut s’occuper simultanément un assistant maternel pourra être augmenté, à titre exceptionnel et temporaire, ce qui n’est pas très cohérent avec le contrôle de la propagation du virus.
  • Personnes en situation de handicap, personnes âgées, mineurs et majeurs protégés et personnes en situation de pauvreté (article 11, I, 5, a et b) : les règles d’ouverture ou de prolongement des droits ou des prestations seront adaptées. Les modalités de fonctionnement des établissements et services sociaux et médico-sociaux seront adaptées pour leur permettre de prendre en charge un public plus large. Ce qui pose la question essentielle de la protection des personnels travaillant dans ces organismes.
  • Assurés sociaux (article 11, I, 6) : les règles relatives aux conditions d’ouverture, de
    reconnaissance et de durées des droits à la prise en charge de frais de santé et des prestations sociales, APL, prime d’activité et droits à la protection complémentaire en matière de santé seront adaptées.
    Hormis ces mesures, l’article 11 prévoit, pêlemêle, le report des délais de publication des comptes des personnes morales de droit privé, l’adaptation des règles relatives au financement des établissements de santé ; l’adaptation des règles relatives à l’exécution, de paiement et de résiliation des contrats de commandes publiques notamment en cas de retard ; l’adaptation des règles relatives à la responsabilité personnelle des comptables publics ; toute une série de règles concernant l’organisation des réunions et assemblée en entreprises, en instances administratives ou encore dans le cadre des copropriété ; et enfin la modification des règles d’examen et de concours pour l’enseignement supérieur.

IV. ÉLECTIONS MUNICIPALES (article 19)

Le second tour des élections municipales, lorsqu’il est nécessaire, est prévu au plus tard en juin 2020 (date censée être fixée par décret au plus tard le 27 mai). La décision s’appuiera sur l’analyse du comité de scientifiques. Si la situation sanitaire ne permet pas la tenue du second tour d’ici le mois de juin, le mandat de ceux en place est prorogé pour une durée fixée par la loi.
L’élection de ceux élus dès le premier tour reste acquise.
Les conseillers municipaux élus au premier tour pourront entrer en fonction à une date fixée par décret et au plus tard en juin 2020. Par exception, dans les communes de moins de 1 000 habitants pour lesquelles le conseil municipal n’a pas été élu au complet, les conseillers municipaux élus au premier tour ne pourront entrer en fonction qu’au lendemain du second tour. L’exception vaut également pour les conseillers d’arrondissement et de Paris élus au premier tour. Les mandats des élus en cours d’exercice sont prorogés jusqu’à l’entrée en fonction respective des nouveaux élus.

V. COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (articles 9 et 10 : entrée en vigueur immédiate)

Adaptation du droit des collectivités territoriales en repoussant la date d’adoption des budgets de la collectivité et en permettant une intervention de l’Etat.
Faciliter la prise de décision des collectivités territoriales : les collectivités territoriales délibèrent
valablement dès lors qu’un tiers des membres est présent, au lieu de la majorité habituellement ; possibilité de voter une deuxième fois sans quorum si le quorum n’est pas atteint la première fois ; instauration d’une possibilité de vote électronique et par correspondance ; possibilité de donner deux pouvoirs à un membre présent, au lieu d’un pouvoir habituellement.

 

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