De l’état d’urgence à l’état d’intelligence

Faire reculer le terrorisme, l’obscurantisme et la régression nécessite de réorienter totalement les politiques étrangères de la France, sortir de l’engrenage infernal des interventions guerrières au service des intérêts des grandes multinationales et de l’impérialisme américain.

En effet, les campagnes militaires de la coalition menées au nom de la guerre contre les djihadistes s’avèrent totalement inefficaces.

Au contraire, les dégâts collatéraux, meurtriers et ravageurs nourrissent haine et frustration, renforçant la propagande immonde de Daech.

Après ses interventions en Lybie et au Mali, en Irak au sein de la coalition, la France par la voix de son président, annonce vouloir intensifier ses frappes en Syrie.

Il est au contraire urgent de stopper ces interventions guerrières, de faire preuve d’intelligence et de discernement en ouvrant de réelles perspectives de paix et de soutien aux exigences de démocratie des peuples, au sud comme au nord de la méditerranée.

La France, pas plus que les Etats-Unis, n’est le gendarme du monde.

Il existe une organisation internationale qui a été créée voilà plus de soixante-dix ans pour promouvoir le désarmement et assurer la paix dans le monde : c’est l’ONU.

L’ONU doit en effet retrouver toute sa place et le rôle qui est le sien. Cela passe d’abord par la dissolution de l’OTAN avec dans l’immédiat le retrait de la France de cette organisation. Une réforme de l’ONU est nécessaire et notamment de son Conseil de Sécurité, élargi à l’Afrique, l’Asie et l’Amérique du Sud, ce qui constituerait certainement une des solutions.

Il est indispensable de donner ou redonner la capacité à l’ONU, par le débat démocratique et le déploiement d’une force internationale de paix, à ouvrir des perspectives de stabilisation et de reconstruction des Etats du Proche-Orient et du Moyen-Orient, par un long processus de remise en place d’Etats de droit, démocratiques, en organisant des élections et en redonnant aux peuples la maitrise des richesses naturelles de leurs pays, convoitées et exploitées par les grandes firmes internationales.

Cela commence par faire appliquer les résolutions de l’ONU pour la reconnaissance d’un véritable Etat palestinien, libre et souverain.

Dans le même temps, s’attaquer aux racines du terrorisme, impose de sortir de la politique de régression sociale et d’austérité menée depuis des décennies en France.

Au lieu de dépenser des sommes colossales dans l’armement et dans des frappes meurtrières à l’étranger, la France devrait consacrer son argent à financer et développer les services publics comme la santé, l’éducation, la culture, l’aide à l’emploi, etc.

Réduire la fracture au sein de la société, combattre le sentiment d’exclusion d’un nombre de plus en plus important de citoyens, notamment des jeunes, dont certains se réfugient dans la radicalisation islamiste, combattre les replis communautaires tout comme les réflexes xénophobes nécessite de rompre avec la logique du tout pour le fric, de mener une autre politique résolument orientée vers la réponse aux besoins des salariés et de la population.

Augmenter les salaires, retraites et minima sociaux, développer l’emploi stable et qualifié, renforcer les services publics et notre sécurité sociale solidaire pour construire une société de progrès social, c’est aussi s’attaquer aux racines du terrorisme.

C’est par la mobilisation de tous les salariés, tous les citoyens que nous pourrons imposer cette perspective autrement plus juste et efficace qu’une guerre sans fin et qu’un tout sécuritaire inopérant, sauf à nourrir les peurs, voire les haines et les divisions mortifères dans nos sociétés.

 

État d’urgence : laboratoire de contrôle des populations

Le 21 juillet 2016, le parlement a prolongé pour 6 mois ce régime d’exception qu’est l’état d’urgence. Le parlement, à cette occasion, a même durci les mesures sécuritaires et autoritaires, notamment en ce qui concerne la surveillance administrative sans contrôle judiciaire.

Parmi les mesures à l’œuvre lors des précédents états d’urgence et qui restent en vigueur, il y a la possibilité pour la police :

  • d’effectuer des perquisitions administratives de jour comme de nuit (ordonnées par les Préfets),
  • d’assigner à résidence, sur décision du ministre de l’intérieur, toute personne présentant selon lui une menace pour l’ordre public,
  • d’interdire administrativement de manifester sur la voie publique,
  • de bloquer administrativement des sites internet,

Pour faciliter la mise en œuvre de ces mesures, le contrôle judiciaire a été écarté. Après avoir obtenu l’autorisation d’un Préfet pour une perquisition, les agents de police peuvent sans nouvelle autorisation écrite et motivée, recourir à d’autres perquisitions.

Les nouvelles dispositions permettent de renforcer :

⇰ les perquisitions administratives,

⇰ les fouilles et saisies en donnant la possibilité à la police, sans instruction d’un Procureur, de fouiller les bagages et les véhicules des individus, ainsi que la saisie et l’exploitation des données des ordinateurs et téléphones,

⇰ la mainmise des Préfets et du Ministre de l’intérieur, sur l’interdiction des rassemblements, alors que jusque-là, cela ne concernait que l’Ile de France.

Mais la prolongation de l’état d’urgence a également introduit un changement majeur du code de sécurité intérieure de la loi sur le renseignement adoptée en 2015. Alors que cette loi permettait à la police d’avoir accès uniquement aux données des personnes suspectées de terrorisme, les nouvelles dispositions étendent ces mesures de surveillance à l’entourage et « aux personnes susceptibles d’être en lien avec une menace ».

De plus, cette mesure sera valable et applicable même en dehors de l’état d’urgence.

Ainsi, chaque citoyen, sous de fallacieux prétextes pourra demain, tomber sous le coup de ces mesures. Déjà, l’état d’urgence n’a pas seulement été utilisé dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Les tentatives pour interdire les manifestations contre la loi travail en sont un des exemples. Mais plus grave encore, il aura permis à des Préfets d’ordonner des perquisitions chez des militants de diverses organisations se battant pour une autre société, d’assigner à résidence des activistes écologistes par exemple, ou de nombreux citoyens simplement musulmans.

Mais il permet également de tenter de banaliser la criminalisation de l’action syndicale, de nombreux militants, notamment de la CGT étant trainés devant la justice, traités comme des criminels avec des prélèvements ADN, au seul motif d’avoir agi pour défendre les intérêts des salariés.

En fait, l’état d’urgence est  l’alibi pour tenter de geler la contestation sociale, pendant que le patronat et le gouvernement poursuivent leurs attaques contre le social. L’état d’urgence c’est aujourd’hui « silence dans les rangs ». Il est surtout utilisé pour tenter de museler toutes celles et ceux qui voudraient faire entendre d’autres voix, agir ensemble pour imposer d’autres choix orientés vers le progrès social.

L’état d’urgence depuis novembre 2015 fait la démonstration de l’échec de l’antiterrorisme préventif. Ses milliers de perquisitions et ses centaines d’assignations à résidence n’ont conduit qu’à un nombre très faible de procédures réellement engagées pour le terrorisme. Mais son incapacité à déjouer tous les attentats doit également nous amener à regarder avec lucidité ce qu’il y a de dangereux dans l’état d’urgence.

L’état d’urgence est avant tout un régime répressif, liberticide, qui réduit le pouvoir judiciaire au profit du renseignement et de l’administration et renforce la possibilité de l’utiliser contre les militants, toutes celles et ceux qui s’opposent à la logique et la politique du patronat et du gouvernement.

L’état d’urgence ne sera probablement pas permanent.

Par contre, certaines mesures d’exception adoptées, comme les perquisitions de nuit, vont intégrer le droit commun. Ainsi, l’état d’urgence sert à expérimenter des mesures qui, par la loi, intègrent le droit commun pour cesser d’être exceptionnelles et devenir banales et ordinaires. Par leur normalisation et leur intégration dans la loi, c’est le renforcement de l’appareil répressif de remise en cause de l’Etat de droit qui est programmé pour demain au risque de nous faire basculer dans une société totalitaire avec un retour au fascisme. Il y a donc urgence que toutes celles et ceux épris de justice, de respect des droits et libertés individuelles, des droits syndicaux, se rassemblent, se mobilisent pour exiger la fin de l’état d’urgence et la mise en œuvre d’une politique visant véritablement à faire reculer le terrorisme, promouvoir la paix, le désarmement et le progrès social.

 

État d’urgence : urgence d’en sortir !

Le 14 juillet à Nice, l’horreur et la barbarie ont de nouveau frappé, faisant 86 morts, dont 10 enfants, et plus de 200 blessés.

La CGT qui témoigne tout son soutien et sa solidarité à l’ensemble des familles touchées par cet attentat, tient également à réaffirmer la nécessité d’agir pour défendre les valeurs essentielles de notre démocratie et de notre République, mises à mal par des discours sécuritaires, xénophobes, visant à stigmatiser une partie de la population et opposer les salariés, les citoyens entre eux.

Dès le lendemain, de nombreux politiques ont multiplié les déclarations jouant dans la surenchère et sur le terrain du Front National, mettant en cause les mesures nationales de sécurité, en en réclamant davantage, alors que l’état d’urgence, mis en place depuis les attentats de novembre 2015 n’aura pas empêché le carnage, tout comme il n’aura pas empêché l’assassinat du curé de St Etienne du Rouvray, moins de deux semaines plus tard.

De nombreux politiques, emboitant le pas de l’extrême droite, ont multiplié les déclarations nauséabondes pour cibler, stigmatiser les citoyens français issus de l’immigration et ceux qui ont la double nationalité, en prolongeant tout l’été la polémique autour du «burkini ».

Quant au gouvernement, poursuivant sa stratégie d’entretien d’un climat de psychose pour faire passer au second plan dans l’opinion publique sa politique antisociale et ses conséquences pour les salariés, il a décidé de prolonger et de durcir l’état d’urgence pour 6 mois.

Afin de tenter d’annihiler toute velléité de rassemblement, de contestation et de mobilisation des salariés contre sa politique menée au service exclusif du patronat, le gouvernement préfère entretenir un climat de peur, de tension et d’opposition des salariés, de la population. Il accélère sa dérive liberticide et antidémocratique, illustrée par l’adoption arbitraire par le recours au 49-3 de la loi travail et les basses manœuvres pour criminaliser l’action syndicale plutôt que de regarder avec lucidité les conséquences de sa politique, qui constitue le terreau du développement du terrorisme, et faire des choix qui permettent véritablement de le faire reculer.

Alors que tout le monde sait pertinemment que Daech et le terrorisme se nourrissent de la déstabilisation guerrière du Moyen-Orient, la lutte contre le terrorisme pose clairement la question de la politique étrangère de la France, de son engagement guerrier dans l’OTAN, chien de guerre au service de l’impérialisme américain, qui produit de véritables tragédies pour les peuples, nourrit des ravages monstrueux et qui, en fait, alimente la propagande immonde de ces fous de dieu.

Depuis 15 ans, les guerres contre le terrorisme n’ont rien réglé. Toutes les interventions militaires menées depuis le 11 septembre 2001 n’ont pas atteint l’objectif de mettre un terme à la violence terroriste. Au contraire, elles n’ont fait que déstabiliser le Proche-Orient, plongeant ces pays dans le chaos et au bord des guerres civiles sur fond d’affrontement de confessions religieuses.

L’échec est là, malgré les différentes coalitions internationales.

Ce sont bien ces logiques d’interventions militaires depuis 2001 en Afghanistan poursuivies en Irak et étendues en Lybie et en Syrie qui nous reviennent en plein visage et déstabilisent le monde.

Dans le même temps, pendant que l’Etat réprime les libertés individuelles en France, au nom de la lutte contre le terrorisme, les ventes d’armes se multiplient à des pays qui entretiennent avec les groupes terroristes des complicités politico-militaires, sur fond d’affaires juteuses, d’alliances sulfureuses comme le Qatar, l’Arabie Saoudite ou la Turquie, grands clients des industriels français d’armement et pour lesquels le ministre de la défense est le meilleur commercial.

Mais au-delà de la politique étrangère de la France, ce sont également les conséquences de la violence sociale portée par les politiques d’austérité menées depuis des années et qui écarte une partie de la jeunesse des conditions de vie normales dans une société émancipée.

Lorsque plus de 50% des jeunes sont au chômage ou dans la précarité, qu’ils se sentent exclus, rejetés, sans espoir, sans perspective, que de nombreux politiques travaillent à les stigmatiser, à l’exemple de l’ex-Président de la République, qui voulait « nettoyer au Karcher » un quartier populaire, que l’Etat et les collectivités territoriales se sont désengagées des services publics de proximité et des associations qui constituaient des lieux de lien social, certains de ces jeunes désœuvrés constituent une proie facile pour les enrôleurs de Daech.

S’attaquer aux racines du terrorisme nécessite de mener une autre politique en France comme au plan international, fondée sur le progrès et la justice sociale qui permettent de faire reculer les guerres, le terrorisme, le racisme, l’obscurantisme et la régression.

En tous cas, ce n’est pas la restriction des libertés publiques, individuelles et collectives dans un état d’urgence de longue durée qui permettra de garantir la sécurité des citoyens.