État d’urgence et déchéance de nationalité

L’état d’urgence a été proclamé pour 3 mois par décret pris en Conseil des Ministres dans la nuit des attentats de Paris du 13 et 14 novembre 2015.

Le gouvernement a ensuite obtenu la prolongation de cet état d’urgence jusqu’à fin mai en annonçant sa volonté de modifier la constitution française pour faciliter son recours et d’instaurer la déchéance de nationalité pour les terroristes nés en France.

Alors que l’essentiel des mesures pour lutter contre le terrorisme existait déjà, le recours injustifié à l’état d’urgence est en fait une grave remise en cause des droits et libertés des citoyens, en basculant vers un État policier.

En effet, institué en 1955 pendant la guerre d’Algérie, le recours à l’état d’urgence doit être justifié par une situation de danger public exceptionnelle qui menace l’existence de la nation, notamment dans le cadre d’un conflit armé sur le territoire.

L’état d’urgence s’accompagne de tout un arsenal de mesures répressives et liberticides :

⇰  suppression de toutes les règles protectrices des citoyens dans le cadre des perquisitions,

⇰  liberté totale pour les services de police de saisir toutes les données informatiques présentes sur les lieux perquisitionnés et de blocage administratif de site internet,

⇰  renforcement des écoutes téléphoniques et messageries électroniques,

⇰  renforcement du pouvoir du Préfet pour interdire la circulation et le séjour aux personnes cherchant à entraver « de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics »,

⇰  possibilité pour le Préfet d’assigner à résidence des citoyens, avec surveillance électronique, sans décision judiciaire,

⇰  possibilité pour le Préfet de fermer les lieux de réunion et d’interdire toutes réunions « de nature à provoquer ou à entrainer le désordre » et manifestations,

⇰  renforcement du pouvoir de dissolution d’associations ou groupements « portant une atteinte grave à l’ordre public».

C’est bien tout un arsenal de mesures qui renforce les pouvoir de l’Etat et des services de police qui mettent gravement en cause la démocratie, les droits et libertés des citoyens et qui ne règlent rien en terme d’efficacité supplémentaire pour notre sécurité, les lois existantes hors état d’urgence permettant déjà d’agir.

Si la police peut nous interdire de vaquer à nos occupations, si elle peut venir chez nous perquisitionner sans l’aval d’un juge et sans raison valable, si elle peut faire fermer les endroits publics, si l’État peut contrôler la presse, peut s’immiscer dans les sphères les plus intimes de notre vie pour, là aussi, la contrôler, nous ne sommes plus dans un État de droit, mais ni plus ni moins que dans un État policier.

L’état d’urgence restreint toutes sortes de libertés, y compris les libertés syndicales. Toutes manifestations pourront être interdites, leurs organisateurs arrêtés, des lors que l’État policier jugera qu’il y a « atteinte à l’ordre public » et arrêter toutes personnes « à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public » et non plus uniquement celles dont « l’activité se révèle dangereuse » comme c’était le cas avant l’état d’urgence.

Quant à la déchéance de nationalité, ce n’est qu’une diversion pour faire passer ces mesures liberticides.

En effet, cette mesure n’est qu’un leurre inutile car ceux qui, au nom de l’État islamique sont prêts à se donner la mort pour faire la guerre à la France, ne seront aucunement dissuadés par les craintes de perdre leur passeport.

De plus, pour appliquer ce principe à des terroristes kamikazes, totalement conditionnés à leur folie meurtrière, il faudra qu’ils soient binationaux, qu’ils soient vivants, qu’ils aient été jugés puis condamnés. Autrement dit, ça ne concernera personne.

En réalité, le gouvernement cherche à instrumentaliser l’émotion très juste des salariés, de la population, au service d’une offensive sécuritaire, liberticide et guerrière, au nom de « l’union nationale » contre « le terrorisme ».

Alors qu’à grand renfort de médias, il attise et joue avec la peur de la population, cette situation constitue une aubaine pour le gouvernement (et le patronat) pour faire la guerre au social, à l’image de la loi travail.

Ainsi, il tente de profiter du contexte, pour faire admettre aux salariés ce projet de loi qui les replongerait dans les conditions de vie et de travail du 19ème siècle, généraliserait la précarité du travail et les placerait, eux et les générations futures, sous la totale domination des patrons.

Avec l’inversion de la hiérarchie des normes, qui rendrait caduc le socle protecteur commun minimum que constitue le code du travail, au profit d’accords d’entreprise négociés le couteau sous la gorge et le chantage à l’emploi permanent, la facilitation des licenciements, la baisse des salaires, et/ou la modification du temps de travail au bon vouloir de l’employeur, la baisse du paiement des heures supplémentaires, etc., ce projet de loi, dans la poursuite de la loi dite de sécurisation de l’emploi, des lois Macron et Rebsamen, du Crédit Impôt Compétitivité Emploi et du pacte de responsabilité, constituera un recul social sans précédent.

D’ailleurs, demain si on laisse faire, celles et ceux qui ont manifesté le 9 mars dernier pour obtenir le retrait de ce projet de loi, pourraient répondre « aux critères et dispositions » de l’état d’urgence.

L’heure n’est ni à la peur, ni au repli sur soi. L’heure est au contraire au rassemblement, à la mobilisation de tous les salariés pour obtenir le retrait de ce projet de loi, gagner de nouveaux droits et garanties collectives, l’augmentation des salaires, retraites et minima sociaux, le développement de l’emploi stable et qualifié, le renforcement de nos services publics et de notre sécurité sociale solidaire.

Par l’implication de tous les salariés dans la vie syndicale et l’action collective, nous pouvons inverser les choix, gagner de nouvelles conquêtes sociales.

 

 

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