Le 21 juillet 2016, le parlement a prolongé pour 6 mois ce régime d’exception qu’est l’état d’urgence. Le parlement, à cette occasion, a même durci les mesures sécuritaires et autoritaires, notamment en ce qui concerne la surveillance administrative sans contrôle judiciaire.
Parmi les mesures à l’œuvre lors des précédents états d’urgence et qui restent en vigueur, il y a la possibilité pour la police :
- d’effectuer des perquisitions administratives de jour comme de nuit (ordonnées par les Préfets),
- d’assigner à résidence, sur décision du ministre de l’intérieur, toute personne présentant selon lui une menace pour l’ordre public,
- d’interdire administrativement de manifester sur la voie publique,
- de bloquer administrativement des sites internet,
Pour faciliter la mise en œuvre de ces mesures, le contrôle judiciaire a été écarté. Après avoir obtenu l’autorisation d’un Préfet pour une perquisition, les agents de police peuvent sans nouvelle autorisation écrite et motivée, recourir à d’autres perquisitions.
Les nouvelles dispositions permettent de renforcer :
⇰ les perquisitions administratives,
⇰ les fouilles et saisies en donnant la possibilité à la police, sans instruction d’un Procureur, de fouiller les bagages et les véhicules des individus, ainsi que la saisie et l’exploitation des données des ordinateurs et téléphones,
⇰ la mainmise des Préfets et du Ministre de l’intérieur, sur l’interdiction des rassemblements, alors que jusque-là, cela ne concernait que l’Ile de France.
Mais la prolongation de l’état d’urgence a également introduit un changement majeur du code de sécurité intérieure de la loi sur le renseignement adoptée en 2015. Alors que cette loi permettait à la police d’avoir accès uniquement aux données des personnes suspectées de terrorisme, les nouvelles dispositions étendent ces mesures de surveillance à l’entourage et « aux personnes susceptibles d’être en lien avec une menace ».
De plus, cette mesure sera valable et applicable même en dehors de l’état d’urgence.
Ainsi, chaque citoyen, sous de fallacieux prétextes pourra demain, tomber sous le coup de ces mesures. Déjà, l’état d’urgence n’a pas seulement été utilisé dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Les tentatives pour interdire les manifestations contre la loi travail en sont un des exemples. Mais plus grave encore, il aura permis à des Préfets d’ordonner des perquisitions chez des militants de diverses organisations se battant pour une autre société, d’assigner à résidence des activistes écologistes par exemple, ou de nombreux citoyens simplement musulmans.
Mais il permet également de tenter de banaliser la criminalisation de l’action syndicale, de nombreux militants, notamment de la CGT étant trainés devant la justice, traités comme des criminels avec des prélèvements ADN, au seul motif d’avoir agi pour défendre les intérêts des salariés.
En fait, l’état d’urgence est l’alibi pour tenter de geler la contestation sociale, pendant que le patronat et le gouvernement poursuivent leurs attaques contre le social. L’état d’urgence c’est aujourd’hui « silence dans les rangs ». Il est surtout utilisé pour tenter de museler toutes celles et ceux qui voudraient faire entendre d’autres voix, agir ensemble pour imposer d’autres choix orientés vers le progrès social.
L’état d’urgence depuis novembre 2015 fait la démonstration de l’échec de l’antiterrorisme préventif. Ses milliers de perquisitions et ses centaines d’assignations à résidence n’ont conduit qu’à un nombre très faible de procédures réellement engagées pour le terrorisme. Mais son incapacité à déjouer tous les attentats doit également nous amener à regarder avec lucidité ce qu’il y a de dangereux dans l’état d’urgence.
L’état d’urgence est avant tout un régime répressif, liberticide, qui réduit le pouvoir judiciaire au profit du renseignement et de l’administration et renforce la possibilité de l’utiliser contre les militants, toutes celles et ceux qui s’opposent à la logique et la politique du patronat et du gouvernement.
L’état d’urgence ne sera probablement pas permanent.
Par contre, certaines mesures d’exception adoptées, comme les perquisitions de nuit, vont intégrer le droit commun. Ainsi, l’état d’urgence sert à expérimenter des mesures qui, par la loi, intègrent le droit commun pour cesser d’être exceptionnelles et devenir banales et ordinaires. Par leur normalisation et leur intégration dans la loi, c’est le renforcement de l’appareil répressif de remise en cause de l’Etat de droit qui est programmé pour demain au risque de nous faire basculer dans une société totalitaire avec un retour au fascisme. Il y a donc urgence que toutes celles et ceux épris de justice, de respect des droits et libertés individuelles, des droits syndicaux, se rassemblent, se mobilisent pour exiger la fin de l’état d’urgence et la mise en œuvre d’une politique visant véritablement à faire reculer le terrorisme, promouvoir la paix, le désarmement et le progrès social.