FICHE DLAJ – Conseils des prud’hommes

QUELLES POSSIBILITÉS DE SAISIR LES CONSEILS DE PRUD’HOMMES POUR FAIRE RESPECTER VOS DROIT PENDANT LA PÉRIODE DE CONFINEMENT ?

Des ordonnances ont été adoptées par le gouvernement pour adapter les règles de procédure en justice et de prescription compte tenu de la période de crise sanitaire actuelle. Elles concernent notamment les procédures applicables en matière sociale, notamment devant les conseils de prud’hommes (CPH).
Le ministère de la Justice avait initialement suspendu toutes les audiences en Justice, sauf en matière d’urgence. L’ordonnance rétablit l’ensemble des audiences et les dérogations qu’elle prévoit s’appliquent à toutes les procédures.
Ces ordonnances organisent donc le maintien de l’activité judiciaire y compris pour les contentieux non urgents, en portant d’importantes atteintes aux garanties procédurales (absence des parties à l’audience, juge unique, oralité des débats…).
Il redevient possible de saisir les juridictions.

Pourtant, seules auraient dues être concernées les procédures urgentes, qui ne peuvent pas être reportées à la fin de la crise sanitaire. Les autres affaires devraient être jugées selon les règles classiques à l’issue de la période particulière que nous traversons, à la fois pour garantie les droits des justiciables, mais également pour ne pas mettre en danger sans raison urgente la santé du personnel travaillant dans les tribunaux, notamment les greffes.

Il aurait été plus judicieux de la part de ce gouvernement de reporter toutes les affaires non urgentes en s’engageant par la suite à revenir sur les réformes de restrictions des moyens alloués à la justice, et en renforçant tout au contraire ces moyens pour pouvoir rattraper l’augmentation des stocks d’affaires.
Ces ordonnances posent également la question de la pérennité de ces dérogations lorsque l’état d’urgence sera levé, alors que les dernières réformes de la justice vont déjà dans le sens d’une prétendue simplification, qui n’est en réalité qu’une diminution des droits des parties et des garanties procédurales indispensables pour assurer le droit à un procès équitable.

1. CHAMP ET DURÉE D’APPLICATION DES PROCÉDURES DÉROGATOIRES (ARTICLE 1)

Les dérogations prévues par l’ordonnance s’appliquent rétroactivement depuis le 12 mars dernier, et jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Elles continueront donc de s’appliquer bien au-delà de la période de confinement, ce qui est inadmissible compte tenu des atteintes au droit des justiciables qu’elle met en œuvre. En effet, l’état d’urgence a été déclaré le 25 mars pour une durée de 2 mois, qui pourra être raccourcie mais aussi prolongée. Si l’état d’urgence sanitaire est effectivement maintenu pendant 2 mois, cela signifie que les procédures dérogatoires pourront s’appliquer jusqu’à la fin du mois de juin !

Ces dérogations s’appliquent à toutes les procédures, et pas seulement à celles urgentes. Toutes les procédures vont donc reprendre dans les juridictions.

2. PROROGATION DES DÉLAIS (ARTICLE 2)

Les délais arrivant à expiration pendant la période décrite dans le 1 (entre le 12 mars et jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire), sont prorogés dans certaines conditions. Cela ne concerne donc pas les délais qui ont expirés le 12 mars, qui ne peuvent pas être prorogés, ni ceux qui expireront un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Sauf certaines exceptions qui ne concernent pas les contentieux liés au travail, cela s’applique à tous les actes, recours, actions en justice, notification… qui sont réputés avoir été faits dans les temps s’ils sont effectués dans le délai qui leur était imparti pour agir à compter de la fin de la période d’urgence sanitaire, dans la limite de deux mois. Cela signifie qu’il faut considérer que le délai court à compter de la fin du mois suivant l’expiration de l’état d’urgence sanitaire, mais dans la limite de deux mois.
Exemple :

  • pour le contentieux des élections professionnelles ou des désignations, le tribunal judiciaire doit être saisi dans les quinze jours. Si ce délai de quinze jours expire pendant la période décrite ci-dessus, il faudra saisir le juge dans les quinze jours suivants la période ;
  • pour une contestation de licenciement, le salarié a deux ans à compter de son licenciement pour saisir le conseil de prud’hommes. Si ce délai de deux ans expire pendant la période décrite, le salarié devra saisir le CPH dans les deux mois suivant la période.

Cette mesure était nécessaire pour ne pas priver les justiciables de leur droit de saisir le juge. Cela va notamment permettre de déroger aux délais en matière d’appel, de pourvoi en cassation, mais surtout aux délais de péremption. Mais il n’est pas non plus interdit d’effectuer les actes de procédures visés.

3. EXCEPTION AUX RÈGLES DE COMPÉTENCES TERRITORIALES (ARTICLE 3)

Si une juridiction du premier degré (tribunal judiciaire, CPH) est dans l’incapacité de fonctionner, une autre juridiction de même nature et du ressort de la même cour d’appel est désignée pour gérer les contentieux de la juridiction empêchée.
Cela va permettre, au cas où le CPH et le pôle social ne peuvent fonctionner, de renvoyer les affaires devant un autre CPH ou un autre pôle social.
Cette dérogation ne vaut que pour les affaires déjà en cours à la date d’entrée en vigueur de la désignation de la nouvelle juridiction.

4. RENVOI DES AUDIENCES (ARTICLE 4)

La procédure de renvoi est assouplie quant à l’information des parties, mais la procédure de jugement par défaut (jugement sans que le défendeur se soit présenté à l’audience) est élargie.
Lorsqu’une audience est supprimée, les parties sont informées du renvoi :

  • par tout moyen, notamment électronique, si les parties avaient un avocat ;
  • par tout moyen, notamment par lettre simple, si les parties n’avaient pas d’avocat.

Mais si le défendeur ne comparaît pas à l’audience à laquelle l’affaire est renvoyée et n’a pas été cité à personne (par huissier), la décision est rendue par défaut.
Cet article va permettre aux conseillers prud’hommes de pouvoir renvoyer les affaires à une date ultérieure.

5. ÉLARGISSEMENT DES POSSIBILITÉS D’AUDIENCE À JUGE UNIQUE (ARTICLE 5)

Article 5 : « Si l’audience de plaidoirie, la clôture de l’instruction ou la décision de statuer selon la procédure sans audience a lieu pendant la période mentionnée au I de l’article 1er, la juridiction peut, sur décision de son président, statuer à juge unique en première instance et en appel dans toutes les affaires qui lui sont soumises. »

Pour les audiences prévues pendant la période décrite dans le petit 1 (du 12 mars jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire), la juridiction peut statuer à juge unique, que ce soit en première instance ou en appel.
Le CPH juge quant à lui en formation restreinte (1 conseiller employeur et 1 conseiller salarié, au lieu de 2 employeurs et 2 salariés).
Quant au jugement en départage, il semble bien à la lecture du texte que les magistrats professionnels pourront juger seuls, sans conseillers ni assesseurs, ce qui est contraire à l’esprit paritaire de ces formations.
Nous sommes opposées aux audiences à juge unique ou aux formations restreintes car cela n’apporte pas les garanties procédurales suffisantes. Il faut également faire attention à ce que cette possibilité ne soit pas généralisée au-delà de l’urgence sanitaire.

6. SIMPLIFICATION DE LA COMMUNICATION ENTRE LES PARTIES ET LIMITATION DE LA PRÉSENCE DU PUBLIC AUX AUDIENCES

Les échanges des conclusions et des pièces peuvent se faire par tout moyen, à condition que le moyen choisi permette au juge de vérifier que le contradictoire a bien été respecté.
Les audiences pourront se tenir sans public s’il n’est pas possible de garantir la santé des personnes présentes à l’audience, ou avec une publicité restreinte.
Compte tenu de la situation sanitaire, c’est une bonne chose que les audiences puissent se tenir sans public pour limiter les risques
de contagion ou de propagation de l’épidémie, mais cela devrait être limité aux affaires urgentes. Rien ne justifie de porter atteinte au principe de publicité de la justice pour les affaires qui pourraient très bien être renvoyées.

7. RECOURS AUX OUTILS INFORMATIQUES / DÉMATÉRIALISATION DES AUDIENCES

L’ordonnance rend possible la tenue d’audience en visioconférence. Si la visioconférence n’est pas possible, le juge peut décider d’entendre les parties et leur avocat par tout moyen de communication électronique, y compris par téléphone.
Comme pour le point précédent, la tenue des audiences en visioconférence limite les risques de contagion ou de propagation de l’épidémie actuelle, tout en permettant au justiciable que son affaire soit jugée.
Une fois encore, cela n’aurait cependant dû concerner que les affaires urgentes. En revanche, les audiences par téléphones sont inacceptables, car elles ne permettent pas de garantir l’identité des parties.

8. PROCÉDURE SANS AUDIENCE

Lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées par un avocat, la juridiction peut statuer sans audience et la procédure sera écrite. Cela ne concerne donc pas les CPH ni les appels après le CPH, mais concerne certaines procédures devant le pôle social du tribunal judiciaire et les procédures d’appel qui en découlent.
Dans le cadre d’une procédure d’urgence (référé notamment), les parties ne pourront pas s’y opposer. Dans les autres cas, les parties ont quinze jours pour s’y opposer.
Cette procédure sans audience est très risquée car plus aucune garantie procédurale n’est assurée, les parties ne peuvent plus se défendre devant le juge.
C’est également la porte ouverte à la fin de l’oralité des débats, et l’état d’urgence sanitaire ne peut être le prétexte pour rogner ce droit.

9. PROCÉDURE DE RÉFÉRÉ : REJET DES DEMANDES SANS AUDIENCE

En référé, le juge pourra rejeter la demande avant l’audience et donc sans aucun débat contradictoire, s’il estime que la demande est irrecevable ou qu’il n’y a pas lieu à référé.
C’est une atteinte grave au droit à un procès équitable car les parties ne pourront plus se défendre devant le juge, qui rejettera leurs demandes sans les avoir entendus. C’est d’autant plus grave qu’en référé devant le CPH la procédure est normalement orale. Pour un salarié qui n’est pas assisté d’un avocat et qui aurait
des difficultés à l’écrit, cette mesure est très grave puisque sur la base du seul écrit qu’il aura envoyé au CPH, le juge pourra rejeter ses demandes.

10. NOTIFICATION DES DÉCISIONS

La notification des décisions se fait par tout moyen.
Il faudra veiller qu’une notification par voie postale reste la règle après la crise sanitaire, pour ne pas que la notification par voie électronique se généralise, ce qui mettrait de côté beaucoup de justiciables qui n’ont pas les outils informatiques nécessaires.

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