Fiche DLAJ_MAJ 06/04/2020 – Activité et chômage partiel

MESURES CONCERNANT LE CORONAVIRUS : ADAPTATION DU DISPOSITIF D’ACTIVITÉ PARTIELLE

Afin de limiter les conséquences du virus Covid19 sur l’activité, le gouvernement a notamment décidé d’élargir les conditions de recours au dispositif d’activité partielle. Pour joindre les actes aux paroles, le gouvernement a rédigé un décret et une ordonnance qui adaptent l’activité partielle à ces circonstances exceptionnelles. Un nouveau décret précisant l’ordonnance est encore attendu. Les dispositions prévues dans le premier décret s’appliquent aux demandes adressées à compter de sa date d’entrée en vigueur et au titre des heures chômées depuis le 1er mars 2020. Les dispositions de l’ordonnance, qui ouvrent l’accès à l’activité partielle à de nouveaux bénéficiaires et adaptent les modalités d’indemnisation des salariés, sont quant à elles applicables jusqu’à une date qui sera fixée par décret, mais qui ne pourra pas dépasser le 31 décembre 2020.

QU’EST-CE QUE L’ACTIVITÉ PARTIELLE ?

Lorsqu’une entreprise entre dans les conditions de l’activité partielle (ou chômage partiel ou chômage
technique) et que sa demande a été validée, elle s’engage à verser 84 % du salaire horaire net à ses salariés pendant leurs heures chômées (et 100 % du salaire sur les heures travaillées).
En contrepartie, elle reçoit une aide permettant de financer tout ou partie de ce maintien de salaire. Cette aide est versée par l’Agence de service et de paiement (ASP) et financée par l’État et l’Unedic.
Ce dispositif a pour objectif d’éviter les plans de licenciements massifs quand une entreprise connaît des difficultés économiques conjoncturelles, c’est-à-dire des difficultés qui ne sont pas amenées à durer dans le temps. C’est le cas actuellement en raison de la propagation du virus Covid-19 et des mesures de confinement.
Aux dernières nouvelles, le gouvernement a prévu de financer ce dispositif à hauteur de 5 milliards d’euros.

À QUELLES CONDITIONS UNE ENTREPRISE PEUT-ELLE EN BÉNÉFICIER ?

La procédure de mise en œuvre de l’activité partielle est largement assouplie par le décret gouvernemental.
L’entreprise doit en faire la demande auprès du préfet, soit préalablement au ralentissement, soit dans les trente jours qui suivent la réduction de l’activité.

Le décret prévoit que l’administration disposerait alors d’un délai de deux jours pour répondre à la demande, contre quinze auparavant (et à défaut de réponse, cela vaut acceptation). Le rôle du CSE est également diminué : pour déposer une demande, il fallait auparavant avoir obtenu son avis. Désormais, cet avis pourra être transmis au préfet dans les deux mois suivant le dépôt de la demande. Cela n’empêche pas les représentants du personnel d’insister pour être associés à la démarche, dans la mesure du possible.
L’autorisation peut être accordée pour une durée de douze mois, contre six actuellement.

EST-CE QUE TOUS LES SALARIÉS SERONT COUVERTS ?

Tous les salariés titulaires d’un contrat de travail sont susceptibles de bénéficier de l’activité partielle, peu importe la forme de ce contrat (CDD, CDI, temps plein, temps partiel, intérim, saisonnier, etc).
Le décret et l’ordonnance ouvrent le dispositif à de nouveaux bénéficiaires, qui en étaient auparavant exclus :

  • aux salariés en forfait heures ou jours ;
  • aux salariés des entreprises publiques qui s’assuraient elles-mêmes contre le chômage (cela concerne notamment la RATP et la SNCF) ;
  • aux salariés employés à domicile par des particuliers employeurs ;
  • aux assistants maternels ;
  • aux salariés d’entreprises étrangères ne comportant pas d’établissement en France mais qui emploient au moins un salarié effectuant son activité en France, et qui relèvent du régime français de Sécurité sociale et d’Assurance-chômage (cela concerne EasyJet par exemple) ;
  • aux salariés de régies dotées de la seule autonomie financière qui gèrent un SPIC de remontées mécaniques ou de pistes de ski

Sauf pour les salariés en forfait heures ou jours pour qui cette réforme est pérenne, l’ouverture de l’activité partielle pour les autres salariés listés ci-des
sus est limitée dans le temps de la crise actuelle. Un décret déterminera la date jusqu’à laquelle l’activité partielle leur est applicable, sachant que cette date ne pourra pas aller au-delà du 31 décembre 2020. Les intermittents peuvent également en bénéficier, néanmoins, il faut que leur contrat de travail, ou à défaut la convention collective dont ils relèvent, définisse les périodes d’emploi et la répartition du travail à l’intérieur de ces périodes. Des mesures spécifiques pour les intermittents sont apparemment en réflexion.
À noter : si ces travailleurs précaires peuvent potentiellement être éligibles à l’activité partielle, il est probable que l’employeur annule plutôt leur contrat (s’il n’avait pas déjà commencé) ou bien ne le renouvelle pas.
Les seuls salariés ne pouvant en bénéficier sont les salariés en grève, ce qui peut s’expliquer par le fait que leur employeur ne leur verse pas de salaire.

QUEL IMPACT SUR MON SALAIRE ?

Pas de grande nouveauté pour les salariés par rapport au dispositif antérieur : pour chaque heure chômée, la rémunération est fixée à 70 % du salaire brut horaire, soit environ 84 % du net. Le décret précise toutefois que le taux horaire ne peut pas être inférieur à 8,03 euros. Les salariés au Smic verront donc leur salaire maintenu à 100 %. À noter qu’un accord d’entreprise ou de branche peut prévoir des modalités d’indemnisation des salariés plus favorables, qui continuent à s’appliquer. Le salaire n’est également maintenu à 100 % que pour les heures travaillées.
Pour les salariés au forfait jour, l’ordonnance prévoit qu’il faut convertir en heures les jours ou demi-journées pour déterminer le nombre d’heures prises en compte au titre de l’activité partielle. Un décret fixera les modalités de conversion. Un décret déterminera également les modalités de calcul de l’indemnité de chômage partiel pour les salariés qui ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail.

L’ordonnance apporte plusieurs adaptations des conditions d’indemnisation de certains salariés :

  • prise en compte des heures d’équivalence pour le calcul de l’indemnité d’activité partielle ;mise en place d’une rémunération mensuelle minimale pour les salariés à temps partiel : le taux horaire d’indemnité d’activité partielle ne peux être inférieur au Smic horaire. Mais si le taux horaire de rémunération d’un salarié est inférieur au Smic, alors il lui est seulement garanti un taux horaire d’indemnité d’activité partielle égal à son taux horaire de rémunération ;
  • les apprentis et les salariés en contrat de professionnalisation bénéficient d’une indemnité d’activité partielle égale à leur rémunération antérieure ;
  • pour les salariés de particuliers employeurs et les assistants maternels, l’indemnité horaire qui leur est versée est de 80 % de leur rémunération nette, sans pouvoir être inférieure à la rémunération minimale prévue pour ces professions, ou supérieure au plafond fixé pour l’ensemble des salariés. Un décret précisera les conditions d’indemnisation.

L’ordonnance précise également que les salariés en formation pendant la période d’activité partielle ne sont plus indemnisés à 100 % de leur rémunération nette comme avant, et qu’ils seront indemnisés selon les conditions classiques – donc 84 % du net. Cela ne vaut toutefois que pour les formations ayant donné lieu à un accord de l’employeur après le 28 mars 2020.

Enfin, l’ordonnance prévoit des simplifications pour tous les salariés des modalités de calcul de la CSG sur les indemnités d’activité partielle.
Ces modalités dérogatoires d’indemnisation sont limitées dans le temps à la crise sanitaire actuelle. Elles ne seront applicables que jusqu’à une date qui sera fixée par décret, au plus tard le 31 décembre 2020.

Et mes primes ? Dans le cadre de l’activité partielle, la rémunération à retenir est celle servant d’assiette au calcul de l’indemnité de congés payés.
Les primes prises en compte sont celles qui ont le caractère de salaire ou d’accessoire au salaire, par exemple : prime de panier repas ou de transport, ancienneté, heures supplémentaires, astreinte, commission pour les commerciaux…
Sont à exclure les primes n’ayant pas le caractère de salaire ou celles liées à un événement particulier, par exemple : primes exceptionnelles, 13e mois, intéressement…
En clair, comment on calcule ? On prend la rémunération de base, on y ajoute les primes qui doivent être retenues (celles qui ont le caractère de salaire ou d’accessoire), ce qui donne le salaire mensuel. On le ramène ensuite à un taux horaire en tenant compte de la durée légale du travail (35 heures) ou la durée collective du travail quand elle est inférieure.

C’est sur ce taux horaire que les 70 % bruts ou 84 % nets seront appliqués.
Sur le bulletin de salaire (ou éventuellement sur un document annexe), les heures chômées ayant donné lieu à une activité partielle doivent être retranscrites, tout comme les taux appliqués et les sommes versées au titre de la période considérée.
Conseil : tenez un décompte rigoureux de votre temps de travail, pour être en mesure de vérifier que votre salaire correspond bien à la réalité des heures travaillées.

Le salarié n’a aucune démarches à effectuer : il appartient à l’employeur de verser la rémunération au salarié à la date normale de paie. Il doit ensuite adresser une demande de remboursement à l’ASP (Agence de service et de paiement) pour pouvoir bénéficier de l’allocation d’activité partielle.

EN QUOI CONSISTE L’ALLOCATION VERSÉE À L’EMPLOYEUR ?

L’allocation est versée par l’ASP. Son montant n’est plus forfaitaire mais proportionnel au salaire, souréserces de deux limites :

  • l’indemnité ne peut être inférieure au taux horaire brut du Smic (8,03 euros par heure une fois déduites les cotisations salariales).
  • l’indemnité ne peut pas excéder 4,5 fois le taux horaire du Smic (36,14 euros une fois les cotisations salariales déduites).

L’allocation est la même dans toutes les entreprises, quel que soit l’effectif. Auparavant, une distinction était effectuée en fonction de la taille  des entreprises : les entreprises de moins de 250 salariés bénéficiaient d’une allocation majorée, ce qui n’est plus le cas en application du décret.
Pour les salariés dont la rémunération horaire est inférieure au Smic (les apprentis par exemple), l’allocation versée à l’entreprise ne pourrait être supérieure au salaire horaire du travailleur Le montant de l’aide pourra donc être inférieur à 8,03 euros.

Par ailleurs, seules les heures chômées ouvrent droit à l’allocation. Elles correspondent à la différence entre les heures travaillées durant la période et la durée légale du travail (ou lorsqu’elle est inférieure, à la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat).
Lorsque l’horaire collectif de travail est supérieur à 35 heures (ce qui donne lieu à des heures supplémentaires ou complémentaires), ces heures doivent être payées au salarié, dans la limite de 84 % du salaire net horaire. En revanche, l’employeur ne pourra prétendre bénéficier de l’aide de l’État pour ces heures.

L’employeur ne peut prétendre à cette aide que dans la limite de 1 000 heures par an et par salarié, sauf « cas exceptionnels ». Par dérogation, ce contingent est augmenté à 1 607 heures jusqu’au 31 décembre 2020.
Les adaptations prévues par l’ordonnance sur les modalités d’indemnisation des salariés prise en compte des heures d’équivalence, salariés en forfait ou non soumis aux dispositions sur la durée légale du travail) valent également pour le calcul de l’allocation qui est versée à l’entreprise au titre de l’activité partielle.
Pour les entreprises qui s’assurent elles-mêmes contre le chômage, un décret précisera les conditions dans lesquelles elles rembourseront au régime d’assurance chômage ce qu’il a versé au titre de l’allocation d’activité partielle.
Pour les particuliers employeurs, l’État remboursera intégralement les indemnités d’activité partielle via l’Urssaf. Ils devront tenir à la disposition de l’Ursaff une attestation sur l’honneur établie par leur salarié certifiant que les heures donnant lieu à indemnité n’ont pas été travaillées.

QUE SE PASSE-T-IL SI MON ENTREPRISE ÉTAIT DÉJÀ TELLEMENT EN DIFFICULTÉ QU’UNE PROCÉDURE DE SAUVEGARDE, DE REDRESSEMENT OU DE LIQUIDATION ÉTAIT OUVERTE ?

Les seuls cas où l’ASP verse directement l’allocation aux salariés sont les situations de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaire ou de difficultés financières de l’employeur, sur autorisation du préfet.
Cette procédure peut également être appliquée pour assurer l’indemnisation des travailleurs à domicile habituellement employés par plusieurs employeurs. C’est le cas par exemple des assistantes maternelles, qui ont plusieurs employeurs habituels (les parents de chacun des enfants dont elles s’occupent est considéré comme étant un employeur).

ET LES SALARIÉS EN TÉLÉTRAVAIL ?

Il n’y a pas de précisions concernant les salariés en télétravail. Cela ne semble pas être incompatible avec l’activité partielle, même si cette situation peut rendre plus difficile le décompte des heures chômées et travaillées.

PUIS-JE REPRENDRE UN AUTRE EMPLOI PENDANT CE TEMPS ?

Pendant la période d’activité partielle, le salarié est autorisé à reprendre une activité professionnelle.

EST-CE QUE CELA DONNE DES PRÉROGATIVES PARTICULIÈRES À MON EMPLOYEUR ?

En matière de congés payés et de jours de repos
À plusieurs reprises, on nous a rapporté des cas dans lesquels les entreprises imposaient aux salariés de poser des jours de congés ou d’autres types de repos et de les écouler avant d’ouvrir le dispositif d’activité partielle. En principe, votre employeur n’a pas le droit d’agir de la sorte et doit demander de bénéficier du dispositif d’activité partielle dès que possible.

Cependant, la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie a autorisé le gouvernement à prendre des ordonnances qui :

  • permettent à un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche, d’autoriser l’employeur à imposer la prise de congés payés ou de modifier la date de congés déjà posés dans la limite de six jours ouvrables et en respectant un délai de prévenance d’un jour franc ;
  • permettent à l’employeur, s’il rencontre des difficultés économiques liées à l’épidémie et à condition de respecter un délai de prévenance d’un jour franc, d’imposer ou de modifier les dates de prises de jours RTT, de jours de repos liés à l’aménagement du temps de travail, de jour de repos des forfaits jours et des jours de repos affectés au CET, dans la limite de 10.

Un employeur peut donc désormais vous imposer la prise de ces jours avant ou pendant la période d’activité partielle.
Le gouvernement indique que l’employeur pourrait modifier les dates des congés payés lorsque les salariés les ont déjà posés, en se fondant sur l’existence de circonstances exceptionnelles comme le prévoyait déjà le Code du travail. Cette solution est surprenante, et le syndicat de l’entreprise devra veiller à ce que le déplacement des congés payés soit utilisé en dernier recours, si aucune autre solution n’est possible.
Il peut également décider de procéder à une fermeture annuelle de l’entreprise pendant la période de ralentissement de l’activité. Pour cela, il doit respecter les conditions suivantes : celles prévues par l’accord d’entreprise ou de branche, consulter le CSE et informer les salariés au moins deux mois avant le début de la période des congés.
Le salarié placé en activité partielle continue à acquérir des jours de congé.

Mon employeur peut-il m’imposer de continuer à travailler ?
Oui bien sûr, seules les heures chômées permettent de bénéficier des aides liées à l’activité partielle. Il faut être vigilant au décompte des heures : votre entreprise ne doit pas prendre l’activité partielle
comme une aide de l’État sans contrepartie et vous faire travailler dans le même temps. Exemple, dans une entreprise de consulting, il a été demandé aux salariés en forfait-jour de continuer à facturer les heures travaillées aux clients, alors même que l’entreprise prétend au dispositif d’activité partielle.

Et mes mandats ?
Les heures de délégation dépendent du mandat et non du temps de travail donc l’activité partielle n’a pas d’impact. En principe, un salarié protégé doit donner son accord pour passer en activité partielle. Pour la période de crise actuelle, l’ordonnance a prévu qu’il n’était plus nécessaire de recueillir l’accord des salariés protégés pour les passer en activité partielle, à condition que ce dispositif affecte tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier auquel est affecté ou rattaché l’intéressé. Il faudra donc être vigilent, en particulier lorsque seul le service ou l’atelier dans lequel le salarié protégé travaille est concerné, à ce que la mise en activité partielle n’ait pas en réalité pour but d’écarter les représentants du personnel des autres salariés.

QUEL IMPACT SUR LE CHÔMAGE ?

La période d’activité partielle s’analyse juridiquement en une période de suspension du contrat de travail et non comme une rupture du contrat de travail. En l’absence de rupture du contrat, il n’est donc pas possible de prétendre à une indemnisation chômage (allocation de retour à l’emploi).
Si par la suite, le salarié connaît une rupture de son contrat de travail, l’activité partielle sera prise en compte de la façon suivante :

  • pour le seuil d’ouverture des droits, qui correspond à 6 mois de travail sur 24 mois, la période d’activité partielle est prise en compte ;
  • pour la détermination du salaire de référence (qui permet de calculer l’allocation chômage), le demandeur d’emploi peut demander à ce que la période soit exclue, notamment parce que son salaire était moins élevé, avec pour conséquence de faire baisser le montant de son allocation.

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