La conférence qualifiée trompeusement de sociale des 20 et 21 juin 2013 a officialisé la mise en œuvre d’une énième réforme des retraites visant un nouvel allongement de la durée de cotisations accompagné d’une baisse des pensions. Tout comme en 1993, 2003 et 2010, le patronat et ses alliés politiques avancent les arguments complètement erronés du choc démographique et du déficit des caisses de retraite.
En réalité, c’est le financement de tout notre système de protection sociale, assis sur le salaire, qui est combattu par le patronat depuis la mise en place de la sécurité sociale en 1945, au nom de la « compétitivité » et du « coût du travail ». En effet, comme pour l’assurance maladie ou les allocations familiales, le salaire est la base du financement de la retraite. Les retraites versées sont des prestations issues des cotisations sociales (les fameuses « charges » sur lesquelles pleurent les patrons).
A quoi servent les cotisations sociales?
Le total du salaire net et des cotisations dites « salariales » est ce qu’on appelle le salaire brut. Si l’on ajoute les cotisations patronales, on parle de salaire socialisé. Les cotisations sociales (salariales et patronales) constituent un véritable salaire collectif.
La cotisation socialisée finance ces prestations en dehors de toute logique capitaliste, notamment sans accumulation financière contrairement aux assurances privées. Les cotisations sont immédiatement transformées par la sécurité sociale en pensions de retraite selon la technique de la répartition.
Notre système de retraite par répartition est solidaire par deux mécanismes :
- La solidarité intragénérationnelle.
Le salaire (les cotisations) des titulaires d’emploi finance les revenus de ceux qui sont en situation de « sous emploi » ou de « non emploi » (chômage, travailleurs pauvres, handicapés, carrières incomplètes, parents, etc.) qui accumulent des droits supérieurs à ce que donnerait le strict calcul de leurs cotisations. Par exemple, une majoration de 4 trimestres par enfant est accordée aux femmes au seul titre de la grossesse et de l’accouchement.
- La solidarité intergénérationnelle
Le salaire (les cotisations) des actifs d’aujourd’hui finance les pensions des retraités d’aujourd’hui.
C’est pourquoi, depuis sa mise en place en 1945, le patronat et ses alliés politiques n’ont de cesse de s’attaquer d’une part à ce système solidaire qui échappe à leur soif de profits et d’autre part au salaire socialisé qu’ils jugent illégitime et constituant un « coût du travail » nuisible à la sacrosainte « compétitivité » des entreprises.
Quid des exonérations de cotisations?
Dans cette optique, les gouvernements successifs ont multiplié les exonérations de cotisations sociales patronales soi-disant au nom de l’emploi. Ainsi, les patrons sont totalement exonérés pour les salariés rémunérés au SMIC. Les exonérations qui frappent les salaires jusqu’à 1,6 fois le SMIC impactent 63% des salariés en France.
En réalité, ces exonérations qui, non seulement n’ont aucun effet sur l’emploi mais ont surtout démontré leur nocivité pour notre système de protection sociale, constituent une baisse des salaires qui est allée gonfler les profits des patrons.
Dans le même temps, afin de casser notre système de retraite solidaire, le patronat pousse à la mise en place de systèmes « complémentaires » censés pallier aux prétendues difficultés de celui-ci. Ainsi, nombre d’entreprises, notamment les groupes, pousse à la mise en place de systèmes par capitalisation comme les PERCO (Plan Epargne Retraite Collective) par exemple. On incite donc les salariés à placer sur les marchés financiers diverses primes (participation, intéressement, etc.) parfois abondées par l’employeur, censées leur assurer une rente supplémentaire à la retraite.
Ce système est non seulement anti solidaire puisque seuls ceux qui ont les moyens peuvent y accéder mais est surtout totalement aléatoire puisqu’il dépend des fluctuations de la bourse. C’est ce système qui est mis en place aux Etats-Unis où les salariés qui ont les moyens adhèrent individuellement à des fonds de pension par le biais d’assurances privées. En 2008, les retraités de General Motors ont vu leur retraite amputée de 30 à 40% après l’éclatement de la bulle financière et l’effondrement des cours de la bourse.
Contre le système par répartition…
Afin de liquider notre système par répartition et son financement assis sur le salaire, bon nombre de partis politiques, organisations patronales et même certaines organisations syndicales de salariés comme la CFDT, propose une réforme systémique pour aller, comme en Suède, vers un système de retraite par comptes notionnels.
En réalité, notre système ne souffre ni d’un choc démographique, ni d’une obligation économique.
Pour une autre répartition des richesses
La question des retraites c’est la question de l’augmentation des recettes, de l’augmentation des salaires et des cotisations patronales en récupérant sur les richesses créées par le travail sur les profits colossaux des entreprises accaparés par une minorité d’individus.
En effet, alors que les patrons pleurent sur la crise, le prétendu coût du travail et la compétitivité des entreprises, les dividendes versées aux actionnaires du CAC 40 ont atteint 40,9 milliards en 2012.
EDF, qui revendique des augmentations de 5% des tarifs au 1er Juillet 2013 et au 1er Juillet 2014, au nom de l’entretien et la sécurité des centrales nucléaires, a versé 3.68 milliards d’euros à ses actionnaires.
Selon le classement du magazine « Challenge », les richesses des 500 premières fortunes de France ont fait un bond en avant de 25% en un an, pour atteindre 330 milliards d’euros. Pour exemple, la fortune de Liliane Bettencourt qui atteint 23,2 milliards d’euros a progressé de 7,9 milliards en un an. L’argent existe, plus que jamais, pour financer notre système de retraite, augmenter les salaires et développer l’emploi.
Il suffit d’imposer par la mobilisation de tous les salariés, actifs, retraités et privés d’emploi une autre répartition des richesses pour répondre aux besoins des populations.