En décembre 2014, les 5,2 millions agents des trois versants de la fonction publique (Territoriale, Hospitalière, Etat) vont être invités à élire leurs représentants dans les différents périmètres de négociations les concernant. C’est la première fois dans notre pays qu’un événement d’une telle portée se déroule. Dans le climat social et politique qui est le nôtre, incontestablement, le résultat de ces élections sera un marqueur considérable. Le vote CGT sera l’expression du refus des politiques de rigueur en faveur du renforcement de la place du service public, notre bien commun à tous.
Si la fonction publique est au cœur de la notion de service public, celui-ci est le vecteur de « l’utilité commune » évoquée dès l’article 1er de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune », tandis que l’article 17 évoque une notion voisine, celle de « nécessité publique ». C’est l’intérêt général qui permet de fonder en droit les relations de l’État et de la société.
La conception française du service public s’est traditionnellement référée à trois principes : égalité, continuité et adaptabilité. Ce qui signifie une égalité d’accès et de réponses aux besoins fondamentaux des populations en tout lieu, en tout temps et en fonction de leurs évolutions.
La demande de service public n’a cessé de croître au cours des dernières décennies, notamment dans les domaines de la sécurité, de la justice, de la solidarité sociale et de la diffusion du savoir, en parallèle de la crise du système capitaliste, des atteintes à la cohésion sociale, du développement de l’exclusion. Seul le service public peut développer sur le long terme les politiques publiques nécessaires en ces domaines.
L’intérêt général ne saurait donc se réduire à la somme des intérêts particuliers : l’« utilité publique » ou « commune », la « nécessité publique », dépassent donc le droit individuel de propriété. Le préambule de la Constitution de 1946 prévoit ainsi que : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert le caractère d’un service public ou d’un monopole de fait doit devenir propriété de la collectivité ».
La loi du 19 octobre 1946 issue du programme du Conseil National de la Résistance a défini le statut général des fonctionnaires basé sur trois principes qui fondent son unicité.
D’abord, le principe d’égalité, par référence à l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui dispose que l’on accède aux emplois publics sur la base de l’appréciation des « vertus » et des « talents » c’est-à-dire de la capacité des candidats ; nous en avons tiré la règle que c’est par la voie du concours que l’on entre dans la fonction publique.
Ensuite, le principe d’indépendance du fonctionnaire vis-à-vis du pouvoir politique comme de l’arbitraire administratif. Principe permis par le système dit de la «carrière» où le grade, propriété du fonctionnaire, est séparé de l’emploi qui est, lui, à la disposition de l’administration.
Enfin, le principe de responsabilité qui confère au fonctionnaire la plénitude des droits des citoyens et reconnaît la source de sa responsabilité dans l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, lequel indique que chaque agent public doit rendre compte de son administration : c’est la conception du fonctionnaire-citoyen.
La politique libérale gouvernementale, qui répond aux injonctions patronales et financières, relayée par la commission européenne, s’attaque au statut général de la fonction publique.
Elle se concrétise par l’entrée de contrats à durées déterminées de type privé, l’extension à la fonction publique du « travailler plus pour gagner plus » notamment par le moyen d’heures supplémentaires et le rachat des heures accumulées dans les comptes épargne-temps avec parallèlement une réduction des effectifs, l’individualisation des carrières sur la base d’une réflexion sur la « culture du concours et sur la notation » afin d’échapper au « carcan des statuts ». Le tout étant baptisé « révolution culturelle ».
Le contrat est opposé au statut, le métier à la fonction, la performance individuelle à la recherche de l’efficacité sociale.
Ces réformes libérales s’inscrivent dans un contexte de déréglementation, de privatisation et d’extension de la contractualisation au détriment de la loi.
Le fonctionnaire est au service de l’intérêt général à l’inverse du salarié de l’entreprise privée lié à son employeur par un contrat qui fait la loi des parties.
La substitution du concept de métier à celui de fonction vise à substituer la logique du marché à celle du service public, une fonction publique d’emploi à une fonction publique de carrière, le contrat au statut. Elle remet en cause le principe d’indépendance.
Pour la CGT, la défense du statut de la fonction publique va bien au-delà des intérêts propres des fonctionnaires puisque cette action joue un rôle éminent dans la défense et la promotion des droits des autres salariés et de l’ensemble des citoyennes et des citoyens.
En effet, étant dans une position statutaire, réglementaire et non contractuelle, ils échappent aux rapports de force souvent inégaux qui président aux différentes formes de contractualisation. Ils peuvent ainsi constituer une référence forte pour la progression de la notion de statut du travail salarié ou de sécurité sociale professionnelle à l’ensemble du monde du travail comme le revendique la CGT.